mardi 23 septembre 2014

Aucune violence ne peut être commise au nom de Dieu




Cité du Vatican, 22 septembre 2014 (VIS). Hier à 16 h, après avoir déjeuné à la nonciature avec les évêques albanais, le Pape s'est rendu à l'Université catholique Notre-Dame du Bon Conseil, instituée en 2004 et administrée par une fondation des Fils de l'Immaculée de Tirana, pour rencontrer les chefs des autres confessions et religions du pays: judaïsme, protestantisme, islman et soufisme. Le Pape s'est dit heureux de les rencontrer parce que leur présence constitue "un signe de dialogue et de collaboration pour le bien de toute la société". Il a d'abord rappelé que l'Albanie avait été le "témoin des violences et des drames que peuvent provoquer l?exclusion forcée de Dieu de la vie personnelle et communautaire: "Quand, au nom d?une idéologie, on veut expulser Dieu de la société, on finit par adorer des idoles, et bien vite aussi l?homme s?égare lui-même, sa dignité est piétinée, ses droits violés. Vous savez bien à quelles brutalités peut conduire la privation de la liberté de conscience et de la liberté religieuse, et comment à partir de ces blessures se forme une humanité radicalement appauvrie, parce que privée d?espérance et de référence à des idéaux. Les changements survenus à la fin du siècle dernier ont eu pour effet positif aussi de créer les conditions pour une réelle liberté de religion. Cela a donné à chaque communauté la possibilité de raviver des traditions qui ne s?étaient jamais éteintes, malgré les persécutions féroces, et a permis à tous d?offrir, à partir de sa propre conviction religieuse, une contribution positive à la reconstruction morale, avant la reconstruction économique du pays". Cependant, a ajouté le Pape citant Jean-Paul II, "la vraie liberté religieuse a horreur des tentations de l?intolérance et du sectarisme et promeut des attitudes de dialogue respectueux et constructif. Nous ne pouvons pas ne pas reconnaître combien l?intolérance envers celui qui a des convictions religieuses différentes des siennes propres est un ennemi particulièrement insidieux, qui malheureusement se manifeste aujourd?hui en différentes régions du monde. En tant que croyants, nous devons être particulièrement vigilants pour que la religiosité et l?éthique que nous vivons avec conviction et dont nous témoignons avec passion s?exprime toujours par des attitudes dignes du mystère que l?on entend honorer, en refusant avec résolution comme non vraies, parce que non dignes de Dieu ni de l?homme, toutes ces formes qui représentent un usage déformé de la religion. La religion authentique est source de paix et non de violence! Personne ne peut utiliser le nom de Dieu pour commettre de la violence! Tuer au nom de Dieu est un grand sacrilège! Discriminer au nom de Dieu est inhumain".

De ce point de vue, a souligné le Saint-Père, "la liberté religieuse n?est pas un droit qui puisse être garanti uniquement par le système législatif en vigueur, qui est aussi nécessaire: c?est un espace commun, une atmosphère de respect et de collaboration qui est construit avec la participation de tous, même de ceux qui n?ont aucune conviction religieuse". Le Pape a ainsi indiqué deux attitudes qui pourraient être particulièrement utiles pour promouvoir cette liberté religieuse: "La première, c?est celle de voir en tout homme et en toute femme, même en ceux qui n?appartiennent pas à sa propre tradition religieuse, non des rivaux, encore moins des ennemis, mais bien des frères et des s?urs. Celui qui est assuré de ses convictions propres n?a pas besoin de s?imposer, d?exercer des pressions sur l?autre, il sait que la vérité a sa force de rayonnement propre... Chaque tradition religieuse, à l?intérieur d?elle-même, doit réussir à rendre compte de l?existence de l?autre. La seconde "est l?engagement en faveur du bien commun. Chaque fois que l?adhésion à sa propre tradition religieuse fait germer un service plus convaincu, plus généreux, plus désintéressé pour la société tout entière, il y a un exercice authentique et un développement de la liberté religieuse. Celle-ci apparaît alors non seulement comme un espace d?autonomie légitimement revendiquée, mais comme une potentialité qui enrichit la famille humaine par son exercice progressif. Regardons autour de nous : combien sont nombreux les besoins des pauvres, combien nos sociétés doivent encore trouver des chemins vers une justice sociale plus répandue, vers un développement économique inclusif! Combien l?âme humaine a besoin de ne pas perdre de vue le sens profond des expériences de la vie et de récupérer l?espérance! Dans ces domaines d?action, les hommes et des femmes inspirés par les valeurs de leur propre tradition religieuse peuvent offrir une contribution importante, même irremplaçable. C?est là aussi un terrain particulièrement fécond pour le dialogue interreligieux".

"Je voudrais dire quelque chose quelque chose d'un fantôme, le relativisme. Face au phénomène, nous devons adopter un principe clair: On ne peut dialoguer si l'on ne part pas de son identité propre. Sans identité le dialogue ne peut exister. Ce serait un dialogue fantôme, un dialogue en l'air, sans intérêt. Chacun de nous a sa propre identité religieuse et est fidèle à celle-ci. Mais le Seigneur sait comment faire avancer l'histoire. Nous partons chacun de notre identité, en ne faisant pas semblant d'en avoir une autre, parce que cela ne sert à rien...c'est du relativisme. Ce qui nous unit est notre chemin de vie, c'est la bonne volonté de partir de son identité pour faire le bien à nos frères et s?urs... Chacun de nous offre le témoignage de son identité à l'autre et dialogue avec l'autre. Ensuite le dialogue peut aller plus avant sur des questions théologiques, mais le plus important, le plus beau, c'est de marcher ensemble sans trahir notre identité, sans la cacher, sans hypocrisie". Le Pape a conclu en encourageant les chefs religieux "à maintenir et développer la tradition de bonnes relations entre les communautés religieuses existantes en Albanie, et à vous sentir unis dans le service de votre chère patrie. Avec un trait d'humour, on pourrait dire que cela ressemble à une équipe de foot: les catholiques contre tous les autres, mais tous ensemble pour le bien de la patrie et de l'humanité! Continuez d'être le signe pour votre pays et pour les autres que les relations cordiales et la féconde collaboration entre hommes de religions différentes sont possibles".

Mise en garde contre les nouvelles formes de dictature

Cité du Vatican, 22 septembre 2014 (VIS). Hier après-midi à Tirana, le Pape François s'est rendu à la cathédrale pour célébrer les vêpres et s'adresser au clergé, séminaristes, religieux et mouvements de laïcs. Consacré en 2002, l'édifice qui peut accueillir 700 personnes, est orné d'une verrière représentant Jean-Paul II et Mère Teresa. Après les témoignages bouleversants d'un prêtre de 83 ans et d'une religieuse de 85 ayant subi la persécution du régime athée, le Pape a fondu en larmes. Après avoir embrassé ces deux témoins vivants, il a renoncé au discours écrit et a improvisé: "Nous avons entendu dans la lecture: Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort... Durant les deux derniers mois, je me suis préparé à cette visite en lisant l?histoire de la persécution en Albanie. Cela a été une surprise, car je ne savais pas que votre peuple avait tant souffert. Aujourd?hui, sur mon trajet depuis l?aéroport, j'ai vu tant de portraits de ces martyrs qui montrent que le peuple n'a pas oublié ceux qui ont tant souffert. Un peuple de martyrs! Et je viens d'en serrer deux dans mes bras. Je ne peux vous dire que ce qu'ils ont dit, par leur vie, par leurs paroles simples. Ils racontent ces faits douloureux avec simplicité. Comment ont-ils fait pour survivre à tant de tribulations? Ils nous disent ce que nous avons entendu dans le passage de la seconde épître aux Corinthiens: Dieu est le Père miséricordieux et le Dieu de toute consolation. C?est lui qui nous a consolés... Ils ont souffert physiquement et psychiquement, dans l'angoisse de l?incertitude d'être ou non fusillés. Ils vivaient avec cette angoisse et le Seigneur les consolait. Je pense à Pierre enchaîné pendant que l?église priait pour lui. Le Seigneur a consolé Pierre, comme il a consolé nos deux martyrs survivants". La communauté chrétienne priait pour eux. "C'est cela le mystère de l?Eglise, que le Seigneur console humblement, secrètement aussi. Il console dans l?intimité du c?ur et il console avec sa force. Eux, j?en suis sûr, ceux qui sont réconfortés ne se vantent pas de ce qu?ils ont vécu... Ils nous disent que pour nous, qui avons été appelés par le Seigneur pour le suivre de près, l?unique consolation vient du Christ. Malheur à nous si nous cherchons une autre consolation! Malheur aux prêtres, aux religieux, aux s?urs, aux novices, aux personnes consacrées quand ils cherchent des consolations loin du Seigneur. Je ne veux pas vous bastonner?, ni devenir votre bourreau. Mais sachez bien que si vous cherchez de la consolation ailleurs, vous ne serez pas heureux: Tu ne pourras consoler personne, parce que ton c?ur n?a pas été ouvert à la consolation du Seigneur. Et tu finiras, comme dit Elie au peuple d?Israël, en clochant des deux jambes. Soit donc béni le Père de notre Seigneur, le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort". C?est ce qu?ont fait les deux témoins que nous venons d'entendre: "Humblement, sans prétention, sans se vanter, ils nous ont rendu un service, celui de nous consoler: Ils nous ont dit que, pécheurs, le Seigneur a été avec eux. Voilà le chemin. Ne vous découragez donc pas. Et excusez-moi je me sers de vous comme exemple, mais nous devons tous être des exemples les uns pour les autres. Rentrons chez nous en pensant que nous avons touché des martyrs".

Voici maintenant le texte que le Saint-Père avait préparé, et qu'il a remis à l'Archevêque de Tirana: "C?est pour moi une grande joie de vous rencontrer et je vous remercie pour votre accueil. Parmi vous, je puis mieux exprimer ma proximité à votre engagement d?évangélisation. Depuis que votre pays est sorti de la dictature, les communautés ecclésiales ont recommencé à cheminer et à s?organiser pour l?action pastorale, et elles regardent avec espérance vers l?avenir. Ma pensée reconnaissante va en particulier à ces pasteurs qui ont payé d?un prix élevé leur fidélité au Christ et leur décision de rester unis au Successeur de Pierre. Ils ont été courageux dans la difficulté et dans l?épreuve. Il y a encore parmi nous des prêtres et des religieux qui ont fait l?expérience de la prison et de la persécution, comme la s?ur et le frère qui nous ont raconté leur histoire. Je vous embrasse avec émotion et je rends grâce à Dieu pour votre témoignage fidèle, qui stimule toute l?Eglise à poursuivre avec joie l?annonce de l?Evangile".

"Mettant à profit cette expérience, l?Eglise en Albanie peut grandir dans le zèle missionnaire et dans le courage apostolique. Je connais et j?apprécie l?engagement avec lequel vous vous opposez à de nouvelles formes de dictature qui risquent de rendre esclaves les personnes et les communautés. Si le régime athée cherchait à étouffer la foi, ces dictatures, plus sournoises, peuvent étouffer la charité. Je pense à l?individualisme, aux rivalités et aux confrontations exaspérées: C?est une mentalité mondaine qui peut contaminer aussi la communauté chrétienne. Il ne sert à rien de se décourager devant ces difficultés, n?ayez pas peur d?avancer sur la route du Seigneur. Il est toujours à vos côtés, il vous donne sa grâce et vous aide à vous soutenir les uns les autres, à vous accepter comme vous êtes, avec compréhension et miséricorde, à cultiver la communion fraternelle. L?évangélisation est plus efficace quand elle est mise en ?uvre avec unité d?intention et avec une collaboration sincère entre les différentes réalités ecclésiales et entre les missionnaires et le clergé local. Cela comporte le courage de poursuivre dans la recherche des formes de travail commun et d?aide réciproque dans les domaines de la catéchèse, de l?éducation catholique, comme aussi de la promotion humaine et de la charité. Dans ces domaines aussi, l?apport des mouvements ecclésiaux, qui savent faire des projets et agir en communion avec les Pasteurs et entre eux est précieux. C?est ce que je vois ici: Des évêques, des prêtres, des religieux et des laïcs, toute une Eglise qui veut cheminer dans la fraternité et dans l?unité. Quand l?amour du Christ est placé au-dessus de tout, même d?exigences particulières légitimes, on devient alors capable de sortir de nous-mêmes, de nos petitesses personnelles ou de groupe, et d?aller vers Jésus qui s?approche de nous dans les frères. Ses plaies sont encore visibles aujourd?hui sur le corps de beaucoup d?hommes et de femmes qui ont faim et soif, qui sont humiliés, qui se trouvent en prison ou à l?hôpital. Et vraiment en touchant et en soignant avec tendresse ces plaies, il est possible de vivre l?Evangile jusqu?au bout et d?adorer Dieu vivant au milieu de nous".

"Nombreux sont les problèmes que vous affrontez chaque jour. Ils vous poussent à vous immerger avec passion dans une activité apostolique généreuse. Toutefois, nous savons que seuls nous ne pouvons rien faire. Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain. Cette conscience nous appelle à donner chaque jour la juste place au Seigneur, à lui consacrer du temps, à lui ouvrir notre c?ur, afin qu?il agisse dans notre vie et dans notre mission. Ce que le Seigneur promet à la prière confiante et persévérante dépasse ce que nous imaginons: Au-delà de ce que nous demandons, il nous donne aussi l?Esprit. La dimension contemplative devient indispensable, au milieu des engagements les plus urgents et les plus pesants. Et plus la mission nous appelle à aller vers les périphéries existentielles, plus notre c?ur sent le besoin intime d?être uni à celui du Christ, plein de miséricorde et d?amour. Sachant que les prêtres et les personnes consacrées ne sont pas encore en nombre suffisant, le Seigneur vous répète: La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux! Priez donc le maître de la moisson d?envoyer des ouvriers pour sa moisson. Il ne faut pas oublier que cette prière part d?un regard, celui de Jésus, qui voit l?abondance de la moisson. Avons-nous, nous aussi ce regard? Savons-nous reconnaître l?abondance des fruits que la grâce de Dieu a fait croître, et du travail qu?il y a à faire dans le champ du Seigneur? C?est de ce regard de foi sur le champ de Dieu que naît la prière, l?invocation quotidienne et pressante au Seigneur pour les vocations sacerdotales et religieuses. Vous, chers séminaristes, et vous, chers postulants et novices, vous êtes le fruit de cette prière du peuple de Dieu, qui précède et accompagne toujours votre réponse personnelle. L?Eglise en Albanie a besoin de votre enthousiasme et de votre générosité. Le temps que vous consacrez à une solide formation spirituelle, théologique, communautaire et pastorale, est fécond en vue de servir de façon adéquate, demain, le peuple de Dieu. Les gens, plus que des maîtres, cherchent des témoins, des témoins humbles de la miséricorde et de la tendresse de Dieu, des prêtres et des religieux conformés au Bon Pasteur, capables de communiquer à tous la charité du Christ".

"Je rends grâce à Dieu, avec vous comme avec le peuple albanais tout entier, pour les nombreux missionnaires, hommes et femmes, dont l?action a été déterminante pour la renaissance de l?Eglise et reste encore aujourd?hui d?une grande importance. Ils ont contribué notablement à consolider le patrimoine spirituel qu?évêques, prêtres, personnes consacrées et laïcs albanais ont conservé, au milieu d?épreuves et de tribulations très dures. Pensons au grand travail accompli par les instituts religieux pour relancer l?éducation catholique, un travail qui mérite d?être reconnu et soutenu. Et puis, ne vous découragez pas devant les difficultés. Dans le sillage de vos pères, soyez tenaces dans le témoignage rendu au Christ, et marchez ensemble avec Dieu, vers l?espérance qui ne déçoit jamais. Que sur votre chemin, vous vous sentiez toujours accompagnés et soutenus par l?affection de l?Eglise toute entière".

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