vendredi 27 février 2015

En Égypte, la chasse aux athées bat son plein

En Égypte, la chasse aux athées bat son plein
En Égypte, la chasse aux athées bat son plein
Alber Saber, pendant son procès en 2012. Ce jeune athée cairote de confession copte, aujourd'hui exilé en Suisse, avait été roué de coups par ses voisins, après avoir publié des extraits d'un film islamophobe.

Alber Saber, pendant son procès en 2012. Ce jeune athée cairote de confession copte, aujourd'hui exilé en Suisse, avait été roué de coups par ses voisins, après avoir publié des extraits d'un film islamophobe. Crédits photo : © Mohamed Abd El Ghany / Reuter/REUTERS

Il n'a pas hésité. Quand le téléphone a sonné, un matin de printemps 2014, Ayman Ramzi a immédiatement accepté l'invitation. «Sabah el Kheir» («Bonjour»), un des programmes phares du petit écran égyptien, le conviait à venir parler de son «athéisme». Le sujet, longtemps tabou en Égypte, est en vogue sur les réseaux sociaux depuis qu'un vent d'audace, insufflé par la révolution de 2011, caresse les rives du Nil. «Ma femme, habituellement prudente, m'a même aidé à choisir la chemise, rouge, que j'allais porter», se souvient l'enseignant copte de 43 ans. Sans surprise, l'émission, très regardée, déclencha un tsunami de réactions, mais loin des encouragements qu'il espérait. «Quelques jours plus tard, j'étais au café Borsa, en centre-ville. Un type m'a approché en me disant: "C'est toi, celui qui ose dire que Dieu n'existe pas?" Je n'ai pas eu le temps de répondre. Une dizaine d'hommes m'encerclaient, l'un d'eux avait un couteau dans la main. J'ai filé avant que ça dégénère», poursuit-il, en jetant un coup d'œil furtif derrière son épaule.

Choix surprenant pour un non-croyant, Ayman nous a donné rendez-vous dans la cour ombragée d'une Église du Caire. «C'est paradoxalement le seul endroit où je me sens en sécurité», murmure ce fils d'un curé de Minya, en Haute-Égypte. Un an s'est écoulé depuis l'émission controversée, mais il en paie encore le prix. D'abord expulsé de l'école du quartier Shobra où il enseignait, puis «placardisé» parmi les rayons d'une bibliothèque située à l'autre bout de la ville, il a fini par s'auto-exiler dans son appartement. «Impossible de trouver du travail, de prendre le métro… J'ai beau avoir changé ma coupe de cheveux, les gens me reconnaissent. Alors je suis condamné à rester cloîtré chez moi, 24 heures sur 24. Comme si j'étais en prison», dit-il. Un avant-goût de ce qui l'attend? Il y a quelques mois, le ministère de l'Éducation a déposé une plainte contre lui. Accusé de «blasphème», il risque bien de finir derrière les barreaux.

En Égypte, l'athéisme n'est pas directement criminalisé par la loi. Mais les poursuites pour diffamation religieuse, qui s'appuient sur l'article 98 du Code pénal, ne cessent de se multiplier. Les peines sont lourdes: entre six mois et cinq ans de prison. Lundi encore, Shérif Gaber, un étudiant d'Ismaïlia, au nord-est du pays, a écopé d'un an de prison pour avoir «dénigré» l'islam. En cause: ses écrits sur son compte Facebook, où ce jeune musulman de 22 ans s'interrogeait sur l'existence de Dieu. Dénoncé par ses professeurs et ses camarades, il avait d'abord été brutalement arrêté par la police, en octobre 2013, avant d'être libéré deux mois plus tard. «C'était un étudiant brillant. Ils ont détruit sa vie, juste parce qu'il exprimait ses idées», déplore son avocat, Ihab Salem.

Début janvier, un autre étudiant, Karim el-Banna, avait déjà été condamné dans la province de Bahaira à trois ans de prison, pour avoir affiché son athéisme sur Facebook. Sa prise de position lui a attiré les foudres de son quartier. Venu déposer plainte à la police pour harcèlement, il avait alors été arrêté. Son propre père avait témoigné contre lui. Ces poursuites rappellent celle d'Alber Saber, aujourd'hui exilé en Suisse. En 2012, ce jeune athée cairote de confession copte avait été roué de coups par ses voisins, après avoir publié des extraits d'un film islamophobe. Là encore, au lieu de le protéger, la police s'était retournée contre lui. Lors de son procès pour blasphème, quelques mois plus tard, il s'en était «sorti» avec trois ans de prison. Mais cette affaire remonte à la parenthèse des Frères musulmans, avant l'éviction par l'armée, en juillet 2013, du président islamiste Mohammed Morsi. «Avec Sissi au pouvoir, j'avais cru en la défense de la laïcité», confie Karimane, la mère du jeune homme. Comme beaucoup de membres de la minorité copte, elle avait placé ses espoirs en la personne du maréchal aux lunettes fumées. En réalité, regrette-t-elle, «rien n'a changé: aujourd'hui, plus personne ne veut m'employer. Je suis étiquetée à vie comme la mère d'Alber Saber».

Le chiffre inventé d'Al-Azhar

«La chasse aux athées relève d'un problème autant social que politique», explique au téléphone Ismaël Mohammed, 31 ans. Natif d'Alexandrie, ce pionnier de l'athéisme version 2.0 en sait quelque chose. Depuis qu'il a affiché, en 2013, ses convictions à la télévision, son entourage lui tourne le dos. Menacé de mort, il vit aujourd'hui retranché au bord de la mer Rouge, où il anime, sur YouTube, une chaîne dédiée à l'athéisme. Baptisée «Les vilains petits canards», elle invite d'autres jeunes à sortir de l'ombre, du Caire à Riyad en passant par Damas. Une échappatoire salutaire, il y a peu temporairement suspendu sous un afflux de plaintes individuelles. Les autorités, elles, entretiennent l'ambiguïté. «D'un côté, Sissi fait des discours sur la tolérance religieuse. De l'autre, le ministère de la Jeunesse nous décrit comme des malades mentaux qu'il faut soigner. Sans compter Al-Azhar qui, dans une récente enquête, parle de 866 athées en Égypte! Un chiffre inventé de toutes pièces. À vrai dire, nous sommes des millions. Et c'est ça, justement, qui fait peur au pouvoir», poursuit Ismaël.

Pour Ishak Ibrahim, chercheur au sein de l'Egyptian Initiative for Personal Rights, ce double discours est «symbolique d'un système qui cherche à étouffer toute voix dissonante en contrôlant les moindres recoins de la société». Pour preuve: la fermeture forcée, à l'hiver 2014, d'un «café athéiste» du centre-ville cairote. Accusés de pratiquer le «culte de satan», ses clients étaient, ni plus ni moins, que des jeunes révolutionnaires épris de liberté. «Aujourd'hui, le seul fait de penser différemment est un crime», souffle Ayman Ramzi, l'enseignant placardisé.



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Mystérieuse série de vols dans des églises en France

Mystérieuse série de vols dans des églises en France

Mystérieuse série de vols dans des églises en France

Des dizaines d'objets sacrés ont été volés depuis le début de l'année.

Dans une zone géographique assez large entre Dijon et Lyon, plus d'une dizaine d'églises ont été cambriolées depuis le mois de février. À chaque fois, des objets sacrés disparaissent.

Depuis début février, les églises des régions de Dijon et de Lyon sont victimes de vols récurrents d'objets sacrés. Vendredi 6 février, de premiers cambriolages sont signalés sur le site de l'église de l'Ain. Le 7 février, le Bien Public rapporte que l'église d'Orgelet a aussi été victime d'un cambriolage. D'autres vont suivre.

Dans la semaine qui suit, c'est au tour de deux autres lieux de culte de la région d'être visités, à Digna, puis à Beaufort. A chaque fois, le constat est identique. Ce sont des objets de valeur qui manquent: une Vierge et des calices en argent, ou un Christ en ivoire ont par exemple été dérobés. A Digna, une Vierge noire offerte par l'évêque de Kyoto a aussi disparu.

La destination des objets volés: un coffre-fort suisse?

Quelques jours plus tard, des églises de Villefranche-sur-Saône, Anse, Pollionnay et Savigny connaissent le même genre de visites. La dernière affaire, celle de Pollionnay, remonte au week-end dernier.

A chaque fois, la même méthode semble utilisée, relèvent les responsables paroissiaux et les gendarmes. Comme dans l'église d'Orgelet. Un membre du conseil paroissial cité par le Bien Public raconte comment il s'est rendu compte du forfait. Après avoir vu qu'une porte avait été forcée, il remarque que plusieurs objets sacrés rangés sur un chasublier ont été dérobés.

La vitrine du meuble dans lequel ils étaient exposés a été fracturée, et les objets qui n'ont pas été volés sont en désordre. Le ou les cambrioleurs auraient donc choisi les objets ayant potentiellement la plus grande valeur. Le tabernacle a lui aussi été fracturé, le prêtre s'en rendra compte le lendemain à l'occasion de l'office. Les églises sont fermées la nuit, mais le fait qu'elles soient souvent vides en journée facilite aussi la tâche des malfaiteurs.

Pour l'instant, si la piste d'un gang est évoquée, rien ne vient confirmer l'hypothèse. Les enquêteurs paraissent démunis. Selon des responsables religieux cités par le journal Le Progrès , cela pourrait être le fait d'«un réseau structuré, qui enverrait dormir les objets en Suisse et en Italie, avant de les faire revenir vers des amateurs d'arts».

La revente est surveillée de près par la police

Les frontières n'étant pas situées loin, il paraît en effet facile d'aller cacher ces objets dans des coffres de l'autre côté des Alpes. Mais selon un commissaire-priseur spécialisé dans l'art sacré, il est très difficile d'imaginer un retour sur le circuit commercial français. Déjà, parce que «les ventes publiques sont quand même synonymes de traçabilité, du moins dans la grande majorité», explique-t-il au Figaro.

«Nous prenons systématiquement des photos, évitons de traiter avec des vendeurs inconnus ou évasifs. Tout est fiché. Et surtout, nos ventes sont surveillées de près par l'office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC)». Cet office est rattaché à la direction de la police judiciaire, et traque les «atteintes au patrimoine», en France et à l'étranger, en collaboration avec Interpol.

Selon le commissaire-priseur, «il y a une profusion d'objets sur le marché, et de plus en plus de collectionneurs». Mais selon lui, les trois quarts des acheteurs sont en réalité des prêtres, ou des associations religieuses. Et les objets achetés sont utilisés dans le cadre cultuel.

Dans une autre affaire de vols dans des églises, en Bretagne, le tribunal de Nantes avait condamné cinq hommes à de la prison. Deux d'entre eux avaient écopé de trois ans de prison, avec six mois de sursis pour la peine la plus lourde.



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La difficile refonte du dialogue avec les musulmans de France - Le Point

La difficile refonte du dialogue avec les musulmans de France - Le Point

La difficile refonte du dialogue avec les musulmans de France

Photo d'illustration. Détail d'une façade de la mosquée de Paris.

La refonte du dialogue avec les musulmans voulu par le gouvernement vise à faire émerger une nouvelle génération de chefs de file issus du terrain, mais certains redoutent une "coquille vide" visant surtout à rassurer l'opinion après les attentats. "Notre première réaction a été de dire : enfin. Ils ont compris qu'on ne pouvait plus continuer comme avant avec le CFCM (Conseil français du culte musulman, ndlr), en maintenant un cadavre en vie artificiellement", affirme M'hammed Henniche, secrétaire général de l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM 93). Créé en 2003, le CFCM peine à représenter les 4 à 5 millions de musulmans vivant en France. "Ils ne se reconnaissent nullement dans des personnages falots et insignifiants, sans aucune compétence théologique ni connaissance de la liturgie islamique", affirme l'islamologue Ghaleb Bencheikh dans une tribune au Monde daté de vendredi. Il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, que certains jeunes "soient la proie facile des idéologues sermonnaires doctrinaires", ajoute-t-il.

Pour aider à contrer ces dérives, le gouvernement a annoncé mercredi la mise en place d'ici l'été d'une "instance de dialogue" avec les musulmans, dont les contours restent encore flous, mais qui devrait rassembler des acteurs plus divers que le seul CFCM : associations, intellectuels ou imams, que les préfets devront identifier d'ici l'été. "On va faire confiance aux associations implantées localement", espère M'hammed Henniche. "Peut-être les musulmans du terrain se sentiront écoutés. Peut-être de nouveaux leaders émergeront." Dénonçant les liens avec l'Algérie, le Maroc ou la Turquie des grandes fédérations représentées au CFCM, le responsable de l'UAM 93 juge que le Conseil "doit passer la main, de gré ou de force". "C'est fini, les chibanis. Les jeunes musulmans sont nés ici, ils ont grandi ici", ajoute-t-il.

Structurellement irreprésentable

Mais qui accepter dans la nouvelle instance ? Lors d'un déplacement mercredi à Bordeaux, Bernard Cazeneuve a rencontré le recteur de la mosquée Tareq Oubrou, cofondateur de l'Association des imams de France, et bon exemple des personnalités que l'instance pourrait intégrer. Gare toutefois au jacobinisme face à cette question "complexe", note le politologue Mohamed Ali-Adraoui. Pour lui, "la France cherche à mettre en place un islam d'en haut", le reproche même qui avait plombé le CFCM. Les pouvoirs publics "ne vont pas faire entrer des gens vindicatifs" ou extrémistes parmi leurs interlocuteurs. "Cela signifie que l'État français a une vision de ce que doit être le religieux", un "paradoxe" dans un pays laïc, souligne-t-il. En mettant en place une structure qui se réunira deux fois par an autour du Premier ministre, le gouvernement s'est inspiré de ce qui existe avec l'"instance Matignon" pour les catholiques. Mais l'islam de France, moins hiérarchisé, plus éclaté, est "structurellement irreprésentable", note le politologue.

De plus, son utilité peut sembler limitée pour combattre le radicalisme. "Est-ce que les frères Kouachi auraient accordé beaucoup d'importance à cette instance?" s'interroge encore Mohamed Ali-Adraoui, pour qui "de manière très claire, on a un formatage, un modelage d'une religion". "C'est un débat qui est fait pour rassurer une partie de l'opinion française, qui a été largement sonnée" par les attentats parisiens de début janvier, ajoute-t-il. D'autres vont plus loin, comme Fateh Kimouche, acteur influent de la blogosphère islamique. "Cela risque de tourner à la coquille vide, à la réunionite", estime-t-il. "On a besoin de plus de terrain au lieu de refaire un autre mille-feuille administratif". Il souligne aussi le paradoxe de vouloir lutter contre les stigmatisations en s'adressant aux musulmans en tant que tels. "Si on ne change pas le logiciel, on ne changera pas le mode de dialogue", assure-t-il, en rappelant qu'il y a eu plus d'actes islamophobes en janvier que durant toute l'année 2014. "Sous prétexte qu'on a des Kouachi, des Merah, on amalgame tout le monde", regrette-t-il.



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L’Islam contre la République ou la République contre l’Islam? - Challenges.fr

L'Islam contre la République ou la République contre l'Islam? - Challenges.fr

L'Islam contre la République ou la République contre l'Islam?

Les Français l'oublient, mais selon nos règles institutionnelles, le ministre de l'Intérieur exerce aussi la fonction, pour le moins paradoxale dans une société laïque, de ministre des Cultes. Il est donc conforme à la règle que Bernard Cazeneuve prenne en charge le dossier sans doute le plus complexe et le plus dangereux du moment : la place de l'Islam en France, son adéquation (ou pas) avec les principales valeurs de la République. En langage technocratico-ministériel, cela s'appellera désormais "réforme du culte musulman". Dans la réalité politique d'aujourd'hui, Bernard Cazeneuve manipule une bombe, et il le sait.

Sans doute est-il le ministre qui, sous l'autorité de Manuel Valls, lui-même fortement engagé dans ce débat fracassant, est le mieux à même de mener à bien cette si dangereuse mission. Durant la récente période des attentats, Cazeneuve a su en effet montrer une sérénité à toute épreuve, rassurant de la sorte un pays au bord de la crise de nerfs. En dépit des prophètes de mauvais augure, les actes islamophobes n'ont fort heureusement guère été nombreux après les massacres, et la gestion précise, sinon pointilleuse, du ministre de l'Intérieur y est pour beaucoup. Mais, pour le coup, l'affaire est plus périlleuse encore car de nombreux républicains, à tort ou à raison, s'interrogent quant à la compatibilité de l'Islam avec nos principes. Et les mots sont d'une précision cruciale : personne, à part quelques gauchisto-islamiste près, ne doute plus que l'islamisme et les islamistes sont engagés dans un combat à mort contre l'Occident ; or, les interrogations du moment ne portent plus sur l'islamisme, mais bel et bien sur l'Islam. Et il faut avant tout savoir raison garder. C'est ce que va tenter de faire Bernard Cazeneuve. Reste à savoir comment et avec quels résultats ?

Le judaïsme français, un modèle d'organisation

En lisant avec attention les récentes déclarations de Bernard Cazeneuve, notamment dans Le Monde, en se référant aussi aux prises de position successives de Manuel Valls, on constate que le judaïsme français est le modèle d'organisation et d'expression auxquels ils se réfèrent : des imams formés en France se revendiquant expressément du modèle républicain ; une pratique religieuse ouverte trouvant sa place dans une laïcité assumée, mais pas laïcarde, fermée sur elle-même, anti religieuse - et c'est précisément ce que confirme Bernard Cazeneuve : "La laïcité, ce n'est pas une arme contre les musulmans, ni un principe d'hostilité à la religion". C'est évident, mais cela va mieux en le précisant car l'offensive "laïque" du Front National a provoqué des ravages dans cette France périurbaine qui trouble désormais tant de brillants esprits et il est temps, grand temps, d'y répliquer. Dans son style lisse, en n'élevant jamais la voix, Cazeneuve va tenter de mettre en place ce mécano. Bonne chance...

Car la comparaison islam français - judaïsme français n'est pas forcément pertinente. Au plan historique, elle semble même étrange tant les périodes sont différentes, divergentes, tant les volontés, et surtout les possibilités, d'intégration n'ont rien, plus rien, en commun. Quoi qu'en pensent Edwy Plenel ou le géographe Emmanuel Todd, contempteurs radicaux de la France, l'islamisme n'est pas la conséquence, la réplique, à un pays jadis colonialiste et désormais islamophobe. Bernard Cazeneuve sera contraint de tenir compte de cette dérive. Parce que de nombreux jeunes Français musulmans sont convaincus de ces sornettes. Cela rend l'opération d'autant plus complexe.



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mercredi 25 février 2015

Le gouvernement se penche sur l’islam de France | La-Croix.com - France

Le gouvernement se penche sur l'islam de France | La-Croix.com - France
MESURES DÉTAILLÉES À MIDI

Après l'émotion suscitée par les attentats de janvier, de nouvelles pistes doivent être dévoilées mercredi 25 février par le gouvernement pour améliorer le dialogue avec l'islam de France, qui souffre d'un problème récurrent de représentativité.

Le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve doit présenter, mercredi 25 février, une communication lors du Conseil des ministres en lançant plusieurs pistes, articulées autour du dialogue avec la communauté musulmane et la sécurité des lieux de culte notamment.

Autres axes explorés, la connaissance de l'islam et les thématiques liées à la formation, a-t-on appris de source proche du dossier. Les mesures concrètes seront détaillées à l'issue du conseil des ministres.

Bernard Cazeneuve se rendra ensuite à Bordeaux où il rencontrera des responsables de la communauté musulmane et visitera trois mosquées. Il doit également prononcer un discours devant 200 responsables musulmans.

Depuis plusieurs mois, les autorités s'interrogent sur le fonctionnement du Conseil français du culte musulman (CFCM). François Hollande avait ainsi estimé début février que le CFCM n'avait « pas la capacité suffisante de faire prévaloir un certain nombre de règles, de principes, partout sur le territoire ».

Mais les critiques viennent aussi de l'intérieur, l'ancien président du CFCM Mohammed Moussaoui ayant qualifié l'instance d'« échec », dans une tribune à Libération du 9 février.



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lundi 23 février 2015

Après la proclamation du califat islamique, les nouveaux penseurs de l’islam tentent de se faire entendre | La-Croix.com - France

Après la proclamation du califat islamique, les nouveaux penseurs de l'islam tentent de se faire entendre | La-Croix.com - France

23/2/2015

Face à Daech, les nouveaux penseurs de l'islam tentent de se faire entendre

Depuis la proclamation le 29 juin 2014 d'un califat en Syrie et en Irak par le groupe Daech, les prises de position se sont multipliées au sein de la communauté musulmane pour réfuter ses thèses.

En France, le cadre est plus propice à un débat au sein de l'islam. Mais l'émiettement et la désorganisation de la communauté ne facilitent pas la diffusion des textes.

 « La communauté musulmane est en pleine effervescence ! La demande est grande pour des conférences, des débats ou des émissions sur le radicalisme ou le dialogue interreligieux. » Sociologue, fervent partisan d'une réforme de l'islam, Omero Marongiu n'a pas assez de bras pour répondre à toutes les demandes. « Je sens à la fois une grande frustration des musulmans sur le thème ''combien de temps devrons-nous encore nous justifier ?", un ras-le-bol de certains face aux discours abracadabrants des salafistes et l'envie de poser des limites. » 

condamnations multiples

Depuis la proclamation, l'été dernier, d'un califat à cheval sur la Syrie et l'Irak, les massacres et les violences commis au nom de l'islam semblent ne plus s'arrêter, que ce soit au Moyen-Orient ou en Europe. Face à l'horreur, les prises de position et les condamnations se sont multipliées, émanant des savants comme des autorités du monde musulman.

L'une des plus argumentées émane d'un collectif de 126 érudits musulmans du monde entier et a été publiée en septembre 2014 sous la forme d'une « lettre ouverte au docteur Ibrahim Awad Al Badri, alias" Abou Bakr Al Baghdadi" », réfutant point par point ses interprétations sanglantes des textes sacrés (lire ci-dessous).

 > Lire  : « Lettre ouverte au calife Al Baghdadi », signée par 126 savants musulmans 

Si certains ne veulent voir dans ces djihadistes que des « terroristes » et s'en tiennent à l'affirmation selon laquelle « ces violences n'ont rien à voir avec l'islam », d'autres vont plus loin, en Europe notamment. À longueur de tribunes ou d'interviews, ils appellent à une refondation de la pensée musulmane.

Ainsi, publiée le 3 octobre dans Marianne, la « Lettre ouverte au monde musulman » du philosophe Abdennour Bidar a connu un immense succès, tout comme les textes de Ghaleb Bencheikh, Rachid Benzine ou Tareq Oubrou.

Ici ou là, quelques signaux apparaissent, témoignant d'un écho au sein de la communauté musulmane. « Jusque-là, le travail des ''nouveaux penseurs" n'était pas intégré au discours traditionnel. Désormais, sur les chaînes arabes, on peut entendre des théologiens issus de ce giron traditionnel monter au créneau pour réclamer une réforme du droit islamique », constate Omero Marongiu.

Lors du 4e  forum islamo-chrétien qui s'est tenu à Lyon (1), le P. Emmanuel Pisani a été surpris de voir l'évolution des responsables musulmans présents. « Ils se sont montrés plus réceptifs, ou en tout cas moins fermés, face aux vigoureuses interpellations de Ghaleb Bencheikh », note-t-il.

faiblesse des relais communautaires

Au sein même de la communauté musulmane, certains ne cachent pas leur espoir que l'horreur ressentie par une grande partie des musulmans devant cette barbarie, le sentiment d'une « urgence » à agir contribuent à sortir la doctrine islamique de la gangue dans laquelle elle est aujourd'hui enfermée, à relancer le débat sur l'interprétation des textes qui prévalait aux premiers siècles de l'islam…

Mais certains obstacles demeurent, comme la faiblesse des relais communautaires. « De manière générale, les musulmans à qui j'ai posé la question ne connaissent pas ces textes, qu'il s'agisse de ceux du Forum islamo-chrétien de Lyon ou de cette Lettre ouverte au calife Al Baghdadi », relève Rémi Caucanas, le directeur de l'Institut catholique de la Méditerranée.

 « Est-ce que cela ne circule pas dans leurs réseaux ? En tout cas, Abdennour Bidar est inconnu au bataillon, tout comme les islamologues" des Lumières". Apparemment, la confiance des fidèles de base va surtout à la communauté locale. Et chez les plus jeunes, Tariq Ramadan (penseur proche des Frères musulmans, NDLR) occupe toute la place » poursuit-il.

crainte de l'islamophobie

La préoccupation d'une bonne partie de la communauté devant la montée de ce qu'elle qualifie « d'islamophobie » entrave également la naissance d'un véritable travail autocritique. « Ce qui est dénoncé massivement, même de la part de ceux qui sont engagés dans le dialogue, c'est la stigmatisation continuelle des musulmans », constate Rémi Caucanas.

Le chercheur Omero Marongiu voit également comme un risque la focalisation excessive du gouvernement sur les problèmes internes à l'islam : en quelques jours, le premier ministre a successivement annoncé une série de consultations sur l'avenir de l'organisation du culte musulman en France (critiquant ses financements étrangers) puis appelé les musulmans de France à « prendre leurs responsabilités », utilisant pour la première fois le terme d'« islamo-fascisme »« L'État doit aussi s'occuper de lutte contre les discriminations, d'égalité, et d'éducation », prévient le sociologue. « S'il ne donne pas aux musulmans leur place à part entière, ils risquent de basculer du côté obscur… » 



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Égypte : Al-Azhar appelle à réformer l’éducation contre l'extrémisme | La-Croix.com - Actualité

Égypte : Al-Azhar appelle à réformer l'éducation contre l'extrémisme | La-Croix.com - Actualité
Des chefs religieux participent à une conférence contre l'extrémisme à Al-Azhar, en Égypte.

 Le cheikh d'Al-Azhar, l'une des plus prestigieuses institutions de l'islam sunnite, a appelé dimanche les pays musulmans à réformer leurs programmes scolaires pour contenir l'extrémisme religieux.

L'extrémisme religieux est, entre autres, le résultat d'« un cumul historique de tendances excessives inhérentes à notre patrimoine, nées d'une mauvaise interprétation du Coran et de la Sunna (paroles et actes du prophète Mahomet) », a déclaré cheikh Ahmed al-Tayeb à l'ouverture d'un séminaire sur « l'islam et la lutte antiterroriste » à La Mecque, en Arabie saoudite.

« Pratiques sauvages et barbares »

« Tant que nous n'aurons pas maîtrisé, dans nos écoles et universités, cette tendance à accuser de mécréance des musulmans, il n'y aura point d'espoir pour que la nation (musulmane) se ressaisisse et retrouve son unité », a-t-il ajouté.

Il a dénoncé les « groupes terroristes (...) qui ont opté pour des pratiques sauvages et barbares », en faisant notamment allusion au groupe Etat islamique (EI) qui sévit en Irak, en Syrie et désormais en Libye.

Complot du « nouveau colonialisme mondial, allié du sionisme »

Cheikh al-Tayeb a également de nouveau lié l'extrémisme à un complot du « nouveau colonialisme mondial, allié du sionisme », dont les auteurs exploitent « la tension confessionnelle » qui secoue le monde musulman.

Dans un discours adressé aux participants, le roi Salmane d'Arabie saoudite a préconisé la mise en place d'« une stratégie efficace qui nous engage à combattre le terrorisme, ce fléau qui est le produit de l'idéologie extrémiste » des groupes islamistes radicaux.

Cette idéologie « constitue une menace pour notre nation islamique et pour le monde entier », a-t-il averti à l'ouverture de ce séminaire qui réunit pendant trois jours des oulémas et des dignitaires religieux sur les moyens de combattre l'idéologie des islamistes radicaux.

La Croix (avec AFP)


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samedi 21 février 2015

​Sommet contre le terrorisme de Washington sans résonance

​Sommet contre le terrorisme de Washington sans résonance

Les Etats-Unis ont cherché jeudi à mobiliser la communauté internationale contre le "terrorisme" jihadiste, lors d'un sommet mondial à Washington qui n'a toutefois accouché d'aucune mesure concrète.
Le président Barack Obama et son secrétaire d'Etat John Kerry ont bouclé à Washington une gigantesque réunion de trois jours "contre l'extrémisme violent", en présence de représentants de plus de 60 gouvernements et organisations, dont le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, celui de la Ligue arabe Nabil al-Arabi, la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, le ministre de l'Intérieur français Bernard Cazeneuve ou encore le chef du renseignement russe Alexandre Bortnikov.
Un rendez-vous préparé de longue date par la Maison Blanche et qui était censé prendre toute sa résonance après les attentats islamistes de Paris et Copenhague et en pleine offensive militaire contre le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie.
Obama, comme le fait toute son administration depuis des mois, a bien pris soin de ne jamais parler de "lutte contre l'islamisme radical": une précaution de langage destinée à ne pas stigmatiser l'islam mais que l'opposition américaine républicaine lui reproche. 
Aux yeux du président démocrate, "l'idée selon laquelle l'Occident est en guerre avec l'islam est un horrible mensonge", tout comme l'est l'hypothèse que "nous serions engagés dans un choc des civilisations". Mais son adversaire politique, le sénateur républicain John McCain a rétorqué dans un tweet que "l'idée selon laquelle l'islam radical n'est pas en guerre avec l'Occident est un horrible mensonge". 
De fait, a renchéri Ban Ki-moon, "l'émergence d'une nouvelle génération de groupes terroristes comme Daech (acronyme arabe de l'EI, Ndlr) et (le groupe islamiste nigérian) Boko Haram représente une grave menace pour la paix et la sécurité mondiale".
Outre que Washington s'alarme que ces organisations contrôlent de vastes pans de territoires, il estime que plus de 20.000 combattants étrangers de plus de 100 pays ont rejoint l'EI en quelques mois, dont 4.000 venus d'Europe. 
La conseillère à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Susan Rice, a confirmé l'engagement de son pays à accélérer le partage de renseignements avec ses alliés sur les jihadistes étrangers. Mais au-delà des appels au "rassemblement" de la communauté internationale, la réunion n'a produit aucune mesure concrète. Un "sommet sans contenu", a tonné le représentant républicain Michael McCaul. D'autres, anonymes, ont moqué un "colloque sans intérêt". 
Le communiqué final de la Maison Blanche a toutefois vanté "un plan d'action contre l'extrémisme violent" adopté par les participants et censé produire "des avancées concrètes au cours d'un sommet qui se tiendra en marge de l'Assemblée générale de l'ONU" en septembre prochain.  

Samedi 21 Février 2015


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SALAFISME - Encyclopædia Universalis

SALAFISME - Encyclopædia Universalis

SALAFISME

On peut définir le salafisme comme une forme islamique de fondamentalisme religieux, dans la mesure où ses adeptes prônent l'application par les musulmans, qu'ils vivent ou non dans des pays à majorité musulmane, de ce qu'ils perçoivent comme les « fondements » de l'islam. Le terme renvoie aux « pieux ancêtres » (al-salaf al-ṣāli), proposés aux croyants comme des modèles à imiter : le Prophète, bien évidemment, mais aussi ses Compagnons et les quatre califes « bien guidés » qui lui succédèrent (les quatre premiers successeurs du Prophète à la tête de la communauté musulmane). Le salafisme représente un éventail de mouvements plus large que le seul islamisme politique, qu'il englobe. En effet, tandis que l'islamisme politique se donne pour objectif d'agir afin de prendre le pouvoir et de fonder un État « islamique », que ce soit ou non par des moyens légaux, certains salafistes dédaignent au contraire l'arène politique et concentrent leurs efforts sur le prosélytisme et l'action éducative.

L'obsession du retour à un passé mythique, celui des origines fondatrices, n'est pas caractéristique du seul islam. Dans tous les mouvements de réforme religieuse qui entendent lutter contre les « déviances » du temps présent au nom de l'application de principes religieux pensés comme invariables, elle alimente et cautionne une forme de contestation de l'ordre établi (social, politique, moral et culturel). Comme l'écrit le penseur Marcel Gauchet dans Le Désenchantement du monde : « La séparation temporelle du fondement, celle qui résulte de son assignation à un passé primordial » constitue l'un des principes de la religion. Au cœur du monothéisme se trouve en effet l'idée que le message divin est à l'origine d'une Loi, et que ces principes fondateurs sont à la fois « irrémédiablement révolus », ce qui nourrit une quête nostalgique des origines, et « à jamais destinés à se perpétuer », c'est-à-dire à être reproduits en tout lieu et en tout temps par les fidèles.

Le respect pour ce modèle transcendant et intemporel peut être conçu par le fidèle comme une exégèse permanente, qui vise à réajuster son interprétation et son application à la lumière des mutations historiques qui modifient en profondeur les sociétés. Il s'agit alors d'une approche herméneutique qui reconnaît dans la religion un principe d'évolution créatrice. Le fondamentalisme se distingue en revanche par une volonté de subversion du présent – assimilé à une forme déviante de modernité –, et de restauration des principes originels de la religion, puisés dans un passé mythique : en somme, une « révolution conservatrice ». Ses acteurs n'investissent pas forcément le terrain politique de manière visible, et ils peuvent parfaitement rejeter toute action violente ou terroriste. Il faut donc éviter tout amalgame entre les salafismes révolutionnaires, adeptes de l'action violente, et les salafismes pacifiques, qui vont de la prédication dévote au réformisme moral et politique. Le salafisme que Samir Amghar qualifie de « quiétiste », parce qu'il déclare accepter les gouvernements en place, ou de « piétiste », parce qu'il se concentre sur les seules questions religieuses, se montre « socialement conservateur et politiquement mou » car il fonde son espoir de renouveau sur la seule éducation de l'individu. Toutefois, en s'inscrivant dans une « perspective de séparation et de repli par rapport à des normes occidentales considérées comme extérieures, inconciliables avec la vision salafiste de l'être musulman », il milite pour la fondation d'un nouvel ordre social, un objectif dont la portée politique ne peut guère être niée.

Les traditions salafistes sont donc particulièrement diverses. Parmi les facteurs qui leur sont communs, on s'attachera tout d'abord à décrypter les usages salafistes du passé, marqués par une « quête de l'islam primitif » (S. Amghar) et par une volonté d'épuration des pratiques religieuses. On examinera ensuite les conditions historiques de l'émergence des salafismes contemporains, en identifiant leurs courants fondateurs, leurs figures de proue et leur évolution.

1.  La « quête de l'islam primitif »

Une croyance commune soude les salafismes : la possibilité de conjurer la désunion du monde musulman, son effacement face au monde occidental, et l'influence délétère que celui-ci exercerait sur les croyants, par le rétablissement des principes fondateurs de l'islam. Ceux-ci sont en effet censés garantir l'unité et l'homogénéité de la communauté musulmane (umma), et assurer ainsi le rayonnement de la civilisation islamique dans le monde. Comme la théorie du « choc des civilisations », exposée pour la première fois en 1993 par Samuel Huntington, ce raisonnement repose sur l'opposition binaire entre deux blocs (l'islam et l'Occident) que l'on suppose homogènes, antagonistes, et figés dans une essence immuable définie avant tout par des critères religieux. Le retour à l'exemple des « pieux ancêtres » purifiera ainsi l'islam de toute contamination par la pensée du dehors et permettra idéalement de retrouver la gloire du passé, celle du temps idéalisé des califes, où l'islam était la religion d'un empire hégémonique qui s'étendait des Pyrénées à l'Indus. Renverser l'ordre établi, ses gouvernements impies, ses mœurs dépravées et son mépris des principes de la religion pour restaurer le modèle paradigmatique de l'umma originelle : ces mots d'ordre, sous-jacents dans le salafisme contemporain, ont été mis en avant par bien d'autres mouvements de réforme politico-religieuse aux époques médiévale et moderne.

L'imitation du Prophète constitue l'un des piliers de l'éthique fondamentaliste. Certes, le Coran est jugé premier par les théoriciens, mais il ne peut constituer la principale source d'inspiration pour définir une éthique religieuse. En effet, le texte sacré ne livre que peu de renseignements précis sur Muḥammad (Mahomet), dont la figure s'efface au profit de la parole divine. C'est donc à partir du corpus plus tardif de la biographie (sīra) et des paroles (adīths) du Prophète, constitué entre le viiie et le ixe siècle, que la dévotion muhammadienne s'est construite. La sīra, rassemblée au début de l'époque abbasside par le petit-fils d'un esclave des Quraysh, Ibn Isḥāq (mort vers 767), puis profondément remodelée en Égypte par Ibn Hishām (mort vers 834), expose une biographie cohérente et édifiante du Prophète, à portée hagiographique. Quant aux hadiths, ils constituent un matériau abondant dans lequel les salafistes radicaux vont puiser leur définition souvent sommaire, mais fortement médiatisée, de la sharia, la « voie » indiquée par Dieu. Les savants du monde musulman, y compris des théoriciens comme l'égyptien Muḥammad 'Abduh (1849-1905), dont se réclament les salafistes, ont débattu dès l'époque médiévale de la portée et de la fiabilité de ce corpus, certains intellectuels arabes libéraux, comme Abdelmajid Charfi, allant jusqu'à écarter sa validité juridico-religieuse au motif qu'il serait plus représentatif de la mentalité abbasside que du message du Prophète. Le salafisme le plus conservateur écarte au contraire cette vision critique, constitutive selon ses idéologues du scepticisme athée importé d'Occident, et réclame l'application à la lettre des règles contenues dans cette source de la Loi. C'est ainsi que les prédicateurs vont y puiser des arguments d'autorité pour justifier l'adoption de normes vestimentaires et corporelles comme le voile féminin ou le port de la barbe, ou l'application de châtiments corporels parfois mortels (flagellation, amputation, lapidation) pour l'adultère, le brigandage ou la consommation de vin, pour ne citer que les aspects les plus ostentatoires et les plus médiatiques de cette prétendue « justice islamique ». L'iconoclasme radical – la destruction des bouddhas de Bāmiyān (Afghanistan) par les Talibans, en 2001, en est l'exemple le plus frappant –, entrelace ainsi la condamnation coranique du culte des idoles et de la représentation de Dieu, avec des hadiths plus explicitement hostiles à l'image.

La référence au Prophète justifie donc la prétention à n'appliquer, en matière de loi, que des normes « islamiques » immuables, laissant de côté l'effort d'interprétation et de réactualisation (ijtihād) qui animait encore la science juridique classique. Elle alimente aussi les thèmes structuraux du salafisme. Les mouvements salafistes se donnent ainsi pour objectif de lutter, par la prédication ou la violence, contre le paganisme des temps modernes, suivant ainsi l'exemple du Prophète qui avait aboli la jāhilīya, l'« ignorance » du Dieu unique (ou paganisme préislamique). Dans ce combat, la séparation d'avec les siens, et l'exil qui s'ensuit, peut constituer une nécessité : c'est ainsi que la matrice symbolique de l'hégire (hijra, départ de Muḥammad de La Mecque pour Médine) constitue encore l'une des sources d'inspiration des mouvements dissidents. Le vocabulaire pour qualifier l'adversaire est souvent puisé dans le Coran. Les « hypocrites » (munāfiqūn) sont les musulmans qui soutiennent le système en place. Quant aux « infidèles » (kuffār), ils sont non seulement voués à l'enfer, mais la peine de mort peut théoriquement leur être infligée s'ils ne se repentent pas. L'accusation d'infidélité (takfīr) constitue donc un enjeu très sensible, dont le philosophe et théologien Al-Ghazālī soulignait déjà la gravité au xiie siècle. Or, elle constitue une arme idéologique très répandue parmi les sectes salafistes extrémistes, qui étendent parfois leur anathème à l'ensemble des musulmans non ralliés à leur cause, ainsi qu'aux populations non musulmanes, vivant ou non en terre d'islam. Ce fut d'ailleurs sous l'appellation al-takfīr wa 'l-hijra (« excommunication et hégire ») que les premiers groupes radicaux se détachèrent de la confrérie des Frères musulmans, jugée trop modérée, dans l'Égypte des années 1970. Autre notion fondamentale, celle de djihad est devenue si commune dans la nébuleuse salafiste que le qualificatif de « djihadistes » en est venu à symboliser les groupes les plus violents. Le djihad, « effort dans la voie de Dieu » ou « combat sacré » selon l'expression d'Alfred Morabia, n'a pourtant pas nécessairement un sens belliqueux et, dans le discours des salafistes quiétistes, il peut simplement se référer à la lutte engagée pour ramener la société dans le « chemin de Dieu »Manifestants salafistes en Jordanie.

Manifestants salafistes en Jordanie En octobre 2013, ces manifestants réclament la libération de leurs coreligionnaires, arrêtés pour avoir tenté de rejoindre la Syrie en guerre. Les mouvements politiques salafistes, cherchant à peser sur la politique des gouvernements, occupent la rue des grandes villes arabes par de fréquentes démonstrations publiques. 

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La référence au temps glorieux des califes « bien guidés », parmi lesquels se détache surtout la figure d'Omar ibn al-Khattāb, l'artisan des premières conquêtes de l'islam, revient également comme un leitmotiv dans le discours salafiste, pour évoquer l'époque bénie où l'umma était encore unie, forte et conquérante. À ce mythe de l'unité perdue s'opposent la discorde, la désunion politique et religieuse, appelées en arabe fitna. Le thème, aux accents tiers-mondistes, du complot ourdi contre l'islam par Israël, les États-Unis et l'Occident, vient se greffer aux accusations contre les gouvernements impies qui dominent les pays musulmans. Cette conjuration serait responsable, selon les salafistes, de la fitna qui affaiblit l'islam. Plus spécifiquement dirigée contre l'Occident, la convocation de l'épisode des croisades sert à évoquer l'agression séculaire dont les chrétiens se seraient rendus coupables contre l'islam, rendant légitime l'adoption de tous les moyens de « défense » possible. C'est dans l'œuvre du syrien Ibn Taymiyya (mort en 1328) que le salafisme trouve les meilleurs ingrédients pour nourrir sa rhétorique de l'exclusion et du djihad contre les « infidèles » qui menacent l'islam. Témoin d'un temps où le Proche-Orient, à peine libéré de l'emprise des États latins, subissait le choc des invasions mongoles, ce penseur voyait en effet dans la lutte contre toutes les formes d'hérésie et de désunion qui affectaient l'islam la condition d'une réaction possible face au déclin, réaction placée sous le signe du hanbalisme, l'école juridique sunnite la plus conservatrice. Parmi ses fatwas, celles qui autorisaient la guerre contre les musulmans déviants, en particulier les chiites, ou qui s'en prenaient aux chrétiens, ont fait l'objet d'une récupération constante de la part des fondamentalistes musulmans.

2.  Un projet d'épuration de l'islam

C'est donc autour d'un projet d'épuration radicale de l'islam, visant à le débarrasser de tous les éléments étrangers à la doctrine originelle, que se regroupent les salafistesDestruction du tombeau du prophète Jonas à Mossoul par l'État islamique. À la base de ce programme éducatif figure la volonté de restaurer la pratique rigoureuse des cinq prières quotidiennes, de la prière collective du vendredi et du jeûne de ramadan, d'imposer un respect absolu des interdits alimentaires, de la consommation de viande halal et de la prohibition de l'alcool, voire de la cigarette. La tenue vestimentaire permet également à l'individu d'afficher sa foi, et c'est surtout autour de l'image de la femme que se concentre l'effort de distinction des normes « occidentales » : port du voile facial – qui peut aller d'un simple hijab, pour les plus libéraux, au niqab saoudien qui ne découvre que les yeux –, adoption d'une tenue qui masque plus ou moins rigoureusement les « atours » de la femme (la gorge, les mains, les jambes...)Étudiantes à l'université allemande du Caire, etc. Les règles pour l'homme sont moins strictes, bien que certains salafistes insistent sur la nécessité de se différencier des « mécréants » en imitant les habitudes du Prophète, dont certains hadiths disent qu'il se laissait pousser la barbe et qu'il portait une tunique légère (qamīs), un sarouel et des sandales. La marque laissée sur le front par la pratique assidue des prosternations constitue également un signe de distinction recherché, que les croyants relient à un verset du Coran décrivant les Compagnons (xlviii, 29).

Destruction du tombeau du prophète Jonas à Mossoul par l'État islamique En juillet 2014, des habitants de Mossoul regardent ce qui reste du tombeau du prophète Jonas, célèbre lieu de pèlerinage musulman du nord de l'Irak et un des principaux sites archéologiques de la cité biblique de Ninive. Par leur rejet de toutes les pratiques religieuses déviantes, les salafistes m… 

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Étudiantes à l'université allemande du Caire Loin d'avoir entraîné l'adhésion de l'ensemble des musulmans, les préoccupations des différents courants composant le salafisme ont profondément marqué des sociétés arabes bouleversées par l'irruption de la modernité. Ces jeunes femmes accèdent à des études supérieures, ce que ne pouvaient même pas… 

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La mixité hommes-femmes, l'excessive liberté des mœurs, la question de l'homosexualité et, plus largement, la laïcité et l'individualisme, censés être à l'origine de tous ces dérèglements, constituent des thèmes récurrents dans le discours fondamentaliste. La critique de l'Occident débouche toutefois sur des attitudes très différentes selon les mouvements considérés : certains prônent l'hégire vers les pays musulmans, d'autres en appellent à une coexistence sans mélange, d'autres espèrent au contraire islamiser les sociétés occidentales, soit par un prosélytisme pacifique, soit par une action révolutionnaire.

La critique envers les autres formes d'islam n'est pas moins sévère. Dès l'origine, le salafisme s'est montré particulièrement hostile à toutes les formes de soufisme, s'en prenant parfois violemment à l'influence sociale des confréries, à l'autorité des cheikhs et des marabouts, aux croyances jugées superstitieuses en la baraka miraculeuse des saints. Au nom de l'unicité divine – le tawḥīd qui interdit au fidèle de vouer un culte à un autre que Dieu, fût-ce le Prophète –, les Wahhabites n'hésitèrent pas à détruire le cimetière de Médine en 1806, effaçant ainsi la mémoire des tombes liées à la famille du Prophète et aux premiers imams chiites. Les mosquées historiques furent progressivement rasées, elles aussi, afin de décourager toute forme de célébration. Épargnée, la sépulture de Muḥammad continue à être régulièrement menacée par le régime saoudien. La destruction des mausolées de Tombouctou en 2012 par les combattants d'Ansār al-Dīn relève du même phénomène religieux.

Autre adversaire constant du salafisme sunnite : les minorités religieuses musulmanes, notamment le chiisme. Depuis la révolution de 1979, l'Iran exerce en effet une influence prosélyte fondamentaliste rivale dans le monde, qui ne séduit pas que des adeptes du chiisme. La guerre civile qui n'a pas tardé à se déclarer en Irak à la suite de l'intervention américaine de 2003 ainsi que la domination du pays par des leaders chiites à partir de 2005 ont dégénéré en une guerre confessionnelle qui s'étend à la Syrie, en feu à partir de 2011.

3.  La genèse des salafismes contemporains

L'histoire de l'islam a été ponctuée de mouvements qui entendaient réformer et réunifier l'islam en luttant contre les « innovations blâmables » (bid'a) et en revenant aux fondements scripturaires de la religion. Certains auteurs rattachent ainsi le salafisme au hanbalisme, école juridique musulmane apparue au ixe siècle. Toutefois, les salafismes modernes naissent dans un contexte bien particulier, celui de la colonisation européenne et des tentatives de réaction qu'elle suscita dans certains pays musulmans.

L'une des difficultés qu'il y a à appréhender le salafisme réside dans la diversité de ses courants nourriciers. Les premiers penseurs qui l'ont inspiré, parmi lesquels se détachent les noms de Djamāl al-Dīn al-Afghānī (1838-1897) et de Muḥammad 'Abduh (1849-1905), n'ont pas grand-chose à voir avec Sayyid Quṭb (1906-1966), le théoricien des Frères musulmans, et encore moins avec les leaders des mouvements armés actuels. Très instruits, ils concevaient le ressourcement de l'islam par la relecture des textes fondateurs non comme une imitation aveugle, mais comme une sorte de renaissance culturelle et spirituelle qui pourrait procurer aux musulmans les moyens intellectuels de s'émanciper de la tutelle coloniale et de réaliser leur unité. Leur mouvement, résolument cosmopolite et panislamiste, transcendait les clivages religieux habituels (Al-Afghānī est d'ailleurs chiite) et tentait de concilier modernité et retour aux sources en laissant une porte ouverte à la liberté d'interprétation, l'ijtihād.

Une seconde étape dans la constitution du salafisme fut franchie dans l'entre-deux-guerres et dans les années 1960. La formation en Égypte de la confrérie des Frères musulmans par Hassan al-Banna (1906-1949), en 1928, contribua à populariser les mots d'ordre du salafisme sur la scène publique grâce à la prédication, à l'action politique et à la création d'un réseau d'associations charitables, d'hôpitaux, d'écoles et de mosquées qui ont implanté durablement le mouvement dans la société égyptienne. L'exécution d'Hassan al-Banna par le roi Farouk a fait de lui une icône de la lutte contre un régime discrédité et son puissant protecteur, la Grande-Bretagne. De nouveau autorisés en 1951, les Frères musulmans ne tardèrent pas à engager une sourde lutte contre le nouvel homme fort de l'Égypte, Gamal Abdel Nasser, qu'ils tentèrent de renverser à plusieurs reprises. La doctrine du mouvement se structura alors sous l'influence de Sayyid Quṭb, qui opposa au socialisme laïcisant de Nasser, à son panarabisme tiers-mondiste et à son programme de développement inspiré du modèle occidental, sa notion de « socialisme islamique » et ses diatribes contre la culture « athée » et l'occidentalisation des mœurs. Un complot contre le Président servit cependant à celui-ci de prétexte pour déclencher une vague de répression sans précédent en 1965. Sayyid Quṭb fut alors pendu et la confrérie temporairement décapitée en Égypte. Elle ressurgit cependant dans les années 1970 et déclara vouloir abandonner la violence en 1978. De nouveaux groupes, adeptes de l'action terroriste, apparurent alors, qui furent à l'origine de l'assassinat d'Anouar al-Sadate en 1981. Les années 1980-1990 virent se renforcer le réseau international des Frères musulmans, dans le monde arabe (en Palestine, le Hamas, créé en 1987, leur est rattaché) et en Europe. Soucieux de se construire une image d'honorabilité, les Frères se déclarèrent prêts à participer à des élections démocratiques. Forts de leur popularité, ils remportèrent même les élections législatives en juin 2012, un an après le renversement de Hosni Moubarak par la révolution. La présidence de Mohamed Morsi ne tarda cependant pas à réveiller les clivages et à susciter l'inquiétude de l'armée, qui mit brutalement fin à la parenthèse frériste en juillet 2013.

L'influence mondiale du salafisme doit cependant bien plus à un autre courant, le wahhabisme, fondé au xviiie siècle par Muḥammad ibn 'Abd al-Wahhāb (mort en 1792) en Arabie, où il s'allia au puissant lignage des Saoud. La fondation du royaume saoudien en 1932 fournit à cette doctrine puritaine une assise territoriale, et la manne financière de l'or noir lui donna les moyens, à partir des années 1960, de développer un prosélytisme à l'échelle internationale. En ouvrant des universités islamiques, en y formant des étudiants qui, venus de tous les horizons, étaient destinés à devenir des cadres religieux dans leurs pays respectifs, en investissant dans la construction de mosquées dans le monde musulman comme en Occident, en finançant également un dense réseau d'associations « islamiques », le wahhabisme a joué un rôle moteur dans ce que l'on peut appeler la « salafisation » de l'islam mondial. Au Maghreb, par exemple, il prit une part active dans le processus d'arabisation de l'enseignement et de la culture, entamé dans les années 1970-1980.

D'autres mouvements ont joué un rôle dans cette mouvance idéologique aux sources multiples, notamment l'organisation du Tabligh (« prédication »), née en Inde dans les années 1920, et aujourd'hui bien implantée dans les banlieues déshéritées d'Europe. À partir de la victoire de Recep Tayyip Erdogan et de l'A.K.P. en 2003, la Turquie offre également un modèle de salafisme à la turque, légaliste et nationaliste. Le salafisme est aujourd'hui un phénomène planétaire, dont les foyers prolifèrent de façon autonome et différenciée, en Asie, en Afrique et, de façon plus circonscrite, parmi les communautés musulmanes d'Europe et d'Amérique. Il est donc impossible d'en parler comme s'il s'agissait d'un phénomène uniforme.

De même, on ne peut pas établir de lien systématique entre les salafismes non violents et les groupes terroristes qui ont commencé à se développer dans les années 1990, même si le financement saoudien et l'influence du wahhabisme semblent avoir joué un rôle dans la constitution des réseaux de mujāhidīn qui ont combattu l'U.R.S.S. en Afghanistan (1979-1989). La prise de pouvoir des Talibans (1996-2001) a fait de l'Afghanistan un sanctuaire idéal pour Al-Qaida. Cette organisation, dirigée par Oussama ben Laden, a été la première à développer un programme inédit de formation des combattants et des futurs cadres du salafisme révolutionnaire international. L'éclatement de la guerre civile en Algérie (1991-1999) et les autres conflits des années 1990 (Tchétchénie, Bosnie, Somalie) ont non seulement vu l'éclosion de nouveaux groupuscules terroristes, mais aussi la formation d'une nébuleuse islamiste radicale, très internationalisée, et en rupture de ban vis-à-vis de la monarchie saoudienne, excommuniée par Al-Qaida à partir de 1998. Les attentats du 11 septembre 2001 ont constitué le couronnement de cette montée en puissance, et un tournant géopolitique majeur, faisant de la lutte asymétrique contre le terrorisme international l'une des priorités des États démocratiques. L'affaiblissement d'Al-Qaida, à la suite de l'intervention américaine en Afghanistan, des frappes menées au Pakistan et de l'exécution d'Oussama ben Laden en 2011, n'a pas empêché les attaques-suicides spectaculaires de Casablanca, Madrid et Londres entre 2003 et 2005, ni surtout la réorganisation du mouvement sous la forme d'entités régionales au Maghreb, au Yémen et en Irak. La déstabilisation de l'Irak après 2003, l'éclatement de la Syrie, du Yémen et de la Libye, à la suite des « printemps arabes » de 2011, et l'instabilité grandissante de plusieurs pays à forte population musulmane (Mali, Nigeria, Somalie, Afghanistan, Pakistan) y ont permis le développement de groupes armés puissants qui ambitionnent – et obtiennent parfois, comme l'État islamique en Irak et au Levant, qui a proclamé le rétablissement du califat en 2014 – le contrôle de véritables enclaves territoriales.

Une fracture croissante oppose donc les différentes mouvances du salafisme international, mais la réponse idéologique au fondamentalisme religieux peine encore à s'affirmer dans le monde musulman, en dépit des aspirations démocratiques qui se sont manifestées au cours des révolutions de 2011.

Cyrille AILLET



Envoyé de mon Ipad 

mercredi 18 février 2015

Le terrorisme, c'est comme le lierre : on ne le tue qu'à la racine - Nouvelles de France Portail libéral-conservateurNouvelles de France Portail libéral-conservateur

Le terrorisme, c'est comme le lierre : on ne le tue qu'à la racine - Nouvelles de France Portail libéral-conservateurNouvelles de France Portail libéral-conservateur


Le terrorisme, c'est comme le lierre : on ne le tue qu'à la racine

CopenhagueLes deux attentats de Copenhague suscitent trois sentiments. Le premier, sans doute le plus partagé, c'est l'angoisse ressentie désormais par beaucoup d'Européens et de Français, en particulier. Les auteurs ne sont pas des terroristes internationaux membres d'un réseau qui pourra être anéanti en un coup de filet. Ce n'est pas un arbre, mais un rhizome, un lierre qui se développe par le rebond des images. L'immense immigration musulmane en est le terreau. L'échec au moins partiel de son intégration produit chez certains de ses membres appartenant aux générations nées et élevées en Europe une régression identitaire fantasmée vers une forme de religion qui n'était pas celle de leurs ascendants. Autrement dit, le danger peut naître partout et la menace peser sur tout un chacun. C'est le processus même du terrorisme dont l'arme est la peur. Celle-ci va d'abord atteindre les cibles désignées. Les attentats de Madrid en 2004 avaient inversé le résultat prévisible des élections, donnant la victoire aux socialistes partisans du retrait des soldats espagnols d'Irak. Aujourd'hui, les victimes sont pour la seconde fois, des « auteurs » de blasphème et des Juifs. On peut imaginer chez les dessinateurs et les écrivains une tendance naturelle à l'autocensure à la suite de ces agressions. Certains sont déjà fichés et condamnés à mort. Dans ce monde inversé où les criminels prononcent et exécutent les peines capitales, soit il est trop tard et l'on est condamné à vivre sous une protection policière permanente, qui commence d'ailleurs à poser de sérieux problèmes d'effectifs aux Etats. Soit il est encore temps de se contenter de caricaturer le Pape, et la vie restera belle dans une société proclamant une liberté d'expression que les fanatiques seront parvenus à limiter dans les faits. Pour les Juifs qui vivent en Europe et ne craignent pas d'affirmer leur croyance par les lieux qu'ils fréquentent ou les vêtements qu'ils portent, le risque est constant. Que 70 ans après la fin du nazisme, et alors qu'Israël a été la réponse politique et historique à la Shoah, on puisse tuer des Juifs parce q'ils sont Juifs, et peut-être à cause d'Israël, donne le vertige. « L'Histoire est un cauchemar dont j'essaie de me réveiller » fait dire James Joyce à un de ses personnages.

Pourtant, le désir d'être à tout prix optimiste peut trouver des éléments rassurants dans la duplication des événements de Paris par ceux de Copenhague. Un individu isolé sorti depuis peu de prison après un parcours de petite délinquance à copié les attentats commis à Paris : mitraillade d'un forum consacré à la liberté d'expression, puis attaque d'un symbole juif. Contrairement aux « français », il ne semble pas avoir eu de contact ni de formation au Moyen-Orient. Le bilan est heureusement moins lourd. Si l'on remonte aux attentats de Madrid en 2004 ou de Londres en 2005, le premier qui avait fait exploser une dizaine de bombes et tué 200 personnes, le second 56 personnes, avaient mobilisé des équipes de terroristes pour des actions coordonnées et destinées à tuer le plus possible de gens, de façon aveugle. Chez les auteurs comme chez leurs victimes, le périmètre s'est restreint. Le profil des criminels les rend cependant peu détectables, à moins de consacrer des moyens disproportionnés à la surveillance de personnalités dont la médiocrité semble être la marque principale.

Pourtant, il y a dans la séquence actuelle un ensemble de faits troublants. L'utilisation superlative des événements par le pouvoir aux fins de regagner en popularité en appelant à la cohésion nationale derrière lui, alors qu'il n'a su ni prévoir, ni limiter les attentats, doit soulever des réserves. Copenhague a été saisi comme une piqûre de rappel de « Charlie » afin de prolonger « l'esprit du 11/1″. Il ne paraissait pas indispensable que le Ministre de l'Intérieur se précipitât au Danemark afin de souligner combien cette répétition frappait symboliquement la France. Dans le même temps, comme l'a montré la récente fusillade de Marseille au moment même d'une visite du gouvernement, le plus effrayant est de savoir que dans nos démocraties laxistes, les armes circulent en quantités et que les « malfaisants », délinquants de droit commun ou terroristes, en sont beaucoup mieux fournis que les honnêtes gens. La dénonciation de la faiblesse de nos démocraties soulève une autre crainte, celle de voir les exigences de la sécurité l'emporter sur la protection des libertés. Depuis le vote de la dernière loi de programmation militaire, la surveillance administrative des connexions internet a été facilitée. On peut en comprendre la raison en constatant le rôle du « web » dans la propagande djihadiste, mais aussi constater que ce recul des libertés est dans le fond une première victoire de la culture de nos adversaires sur la nôtre. Enfin et surtout, le retentissement exceptionnel des derniers attentats ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. Ces actions isolées sont les échos d'un séisme beaucoup plus considérable, l'extension géographique du djihadisme salafiste et de ses massacres quotidiens à l'encontre notamment des Chrétiens. L'impuissance des Etats les plus riches et les plus puissants du monde coalisés contre lui est un encouragement au terrorisme en Europe en même temps qu'elle lui laisse un espace d'accueil et d'entraînement. L'Etat islamique vient de conquérir une ville en Irak. Il ne recule plus en Syrie, étend ses métastases jusqu'en Libye, où 21 Coptes égyptiens ont été décapités par ceux que « nous » avons soutenus contre Kadhafi. Le Yémen rejoint la Somalie dans l'anarchie propice à l'installation de foyers terroristes. Le nord du Nigéria et ses voisins francophones, comme le paisible Cameroun, sont exposés aux exactions de Boko Haram. La stratégie à usage interne des drones par le Président Obama ne peut évidemment anéantir un phénomène d'une pareille envergure. C'est pourtant là qu'est la racine du mal qu'il faut éradiquer.

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