mercredi 20 novembre 2013

Rapport sur la situation des chrétiens: « Persécutés et oubliés? » | L'Aide à l'Eglise en Détresse

RAPPORT SUR LA SITUATION DES CHRÉTIENS :« Persécutés et oubliés? »

La situation des chrétiens dans de nombreux pays s'est nettement détériorée. Telle est la conclusion du rapport Persécutés et Oubliés ? (ici en anglais) qui est lancé aujourd'hui, lors d'une réunion dans les chambres du Parlement du Royaume-Uni, par le bureau britannique de l'Aide à l'Église en Détresse.

Le rapport examine la situation des chrétiens dans 30 différents pays, dont l'Afghanistan, laChine, le Laos, le Pakistan, le Vietnam et leZimbabwe. Il analyse en particulier la situation dans un certain nombre de pays à majorité islamique et dans les États dont les systèmes politiques ont un caractère autoritaire prononcé. La période examinée couvre les trente derniers mois.

Selon John Pontifex, directeur de l'Information du bureau britannique de l'AED, « la principale conclusion du rapport est que dans les deux-tiers des pays où la persécution des chrétiens est la plus sévère, les problèmes ont sans doute encore empiré. En fait, dans certaines régions – notamment au Proche-Orient – la survie même de l'Église est maintenant en jeu. »

Pour les chrétiens, le soi-disant « printemps arabe » est devenu dans de nombreux cas ce que le rapport appelle un « hiver chrétien ». Bien que les bouleversements politiques aient impliqué des souffrances pour des individus de toutes les confessions, ce sont surtout les confessions chrétiennes qui ont subi les hostilités et les violences les plus ouvertes. Ils sont devenus les victimes de toutes sortes de conflits politiques, économiques, sociaux et religieux – par exemple les conflits entre musulmans sunnites et chiites*. En conséquence,  beaucoup de chrétiens ont été obligés de fuir. Le rapport décrit l'exode comme atteignant des « proportions presque bibliques ».

Selon les informations présentées dans ce rapport, l'influence des groupes islamistes fondamentalistes a considérablement augmenté au cours des trente derniers mois. Ils représentent peut-être la plus grande menace à l'encontre de la liberté religieuse dans le monde aujourd'hui. Leur objectif est l'élimination, ou au moins l'assujettissement des chrétiens. Dansles pays communistes aussi, les efforts visant à exercer un contrôle sur les populations chrétiennes ont augmenté. Toutefois, dans ces pays les chrétiens tendent à être persécutés avant tout en raison de leurs contacts avec des dissidents et avec l'Occident et non pas uniquement en raison de leur foi. En Corée du Nord, aucune activité religieuse ne bénéficie d'une reconnaissance officielle, tandis que celles qui sont tolérées sont strictement contrôlées. La Chine continue d'insister sur l'affirmation de son autorité sur tous les groupes chrétiens, en particulier sur ceux qui ne sont pas officiellement enregistrés.

Comme l'explique John Pontifex, « il ressort de tous les récits que les actes de persécution semblent maintenant s'aggraver et devenir implacables ; des églises sont incendiées, des chrétiens sont pressés de se convertir, il y a des violences collectives contre les foyers chrétiens, des enlèvements et viols de jeunes-filles chrétiennes, de la propagande anti-chrétienne dans les médias et de la part du gouvernement, de la discrimination dans les écoles et sur les lieux de travail… la liste est longue. Le rapport « Persécutés et oubliés ? » soulève de profondes interrogations quant à l'engagement de la communauté internationaleà se dresser en faveur de la liberté religieuse. »

* L'AED à Paris organise le 27 novembre un colloque sur ce sujet intitulé: « Nouvelles Guerres Froides, incidences sur les chrétiens ».

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Envoyé de mon Ipad 

mardi 19 novembre 2013

Une ministre britannique musulmane prend la défense des chrétiens d’Orient | La-Croix.com

La ministre britanique Sayeeda Hussain Warsi, chargée de « la foi et des communautés religieuses » au sein du ministère des affaires étrangères.

Chargée des religions dans le cabinet britannique, et numéro deux du Foreign Office, la ministre britannique Sayeeda Warsi alerte sur la situation des chrétiens d'Orient.

Cette musulmane d'origine pakistanaise, affirme avoir eu des « discussions franches » avec plusieurs ministres pakistanais à ce sujet.

« De plus en plus souvent, la religion est utilisée comme un moyen de division, de ségrégation, de discrimination et de persécution. Partout dans le monde, les gens sont pris pour cible et chassé simplement pour la foi qu'ils suivent ou leurs convictions. Bahaïs, chiites, sunnites et alaouites… Mais aussi hindous, sikhs, les athées. Mais aujourd'hui, je veux me concentrer sur une religion qui souffre particulièrement à la suite des bouleversements que vit le Moyen-Orient : le christianisme. »

Ainsi s'est ouvert le discours de Sayeeda Warsi, ministre britannique chargé des religions et également numéro 2 du ministère des affaires étrangères, vendredi 15 novembre à l'Université de Georgetown, à Washington. Intitulé « Une réponse internationale à une crise globale », et publié sur le site Internet de Lady Warsi, il appelle la communauté internationale à accroître ses efforts en matière de « tolérance religieuse ».

Sur un ton parfois personnel – racontant son découragement lors d'une visite en Terre Sainte à la vue « d'églises désertes à Bethléem, là où leur foi est née » – la jeune ministre de 42 ans a livré un réquisitoire contre les « persécutions » et « punitions collectives » dont sont victimes les chrétiens dans plusieurs pays du Moyen-Orient, en particulier en Syrie, au Pakistan et en Iran.

Pour des raisons diverses, a-t-elle convenu, « guerres civiles, troubles sociaux et corruption, transition politique, l'autoritarisme ou encore terrorisme ». Mais très souvent, regrette-t-elle, « la foi est utilisée en appui de ces autres divisions ». Confronté à « un « exode de masse (…), il existe un réel danger que le christianisme disparaisse dans certaines régions », prévient-elle.

Pas une menace pour l'identité

Alors que faire ? Ses nombreux voyages à l'étranger ont évidemment montré à la jeune ministre l'insuffisance des lois – « certains des États les plus répressifs au monde garantissent théoriquement la liberté religieuse dans leurs constitutions » – elle appelle la communauté internationale à faire de cette liberté, inscrite à l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la « priorité », « comme l'a fait le gouvernement britannique ».

Témoignant de son expérience personnelle – l'arrivée de sa famille du Pakistan dans les années 1960, sa vie de « pratiquante d'une religion minoritaire, l'islam, dans un pays à majorité chrétienne » – celle qui est devenue en 2010 à la fois chef du parti conservateur et première musulmane ministre dans un gouvernement britannique en tire une conviction : « On dit parfois que les sociétés ont besoin de diluer leur foi afin de s'adapter aux autres. Mon expérience du pluralisme (en Grande-Bretagne) m'a montré le contraire. Je sais que la présence d'autres religions n'est pas une menace pour une identité ».

C'est donc au sein des organisations internationales (ONU notamment), dans ses relations bilatérales ou encore avec les ONG qu'elle tente désormais de faire reculer l'idée selon laquelle « il y aurait un monde musulman et un monde chrétien ». Quitte parfois à engager des « conversations très franches » avec des ministres au Pakistan, comme la jeune femme l'a raconté sur la radio BBC 4, pour leur rappeler « que les hauts responsables politiques ont le devoir de dénoncer la persécution et établir une norme pour la tolérance ».

Argument financier

Dans ce combat, elle n'hésite pas à faire valoir l'argument financier. « Mesdames, messieurs, la persécution est mauvaise pour les affaires ! Protéger les minorités est la bonne chose à faire moralement, mais c'est aussi la bonne chose à faire socialement, économiquement et politiquement », a-t-elle lancé aux Américains venus l'écouter à Washington.

« La recherche universitaire, y compris ici à Georgetown, a prouvé le lien entre la liberté religieuse et la capacité d'une société à prospérer ». Enfin, la réponse à cette crise ne doit pas être « elle-même sectaire », estime la ministre. « Lorsqu'une bombe explose dans une église pakistanaise, la nouvelle ne doit pas se répercuter à travers les communautés chrétiennes mais remuer le monde entier. »

À ses yeux, le « consensus international existe », sous la forme d'une résolution du Conseil des droits de l'homme sur le traitement des minorités et la tolérance envers les autres religions. L'enjeu, désormais, est de l'appuyer sur une « volonté politique », rapporte le quotidien britannique The Guardiandans l'article qu'il lui a consacré. « La façon dont une minorité est traitée après un incident extrémiste est très dépendante de la tonalité que les politiques ont fixée. Ceux-ci ont donc la responsabilité de donner le ton, pour marquer les limites juridiques de ce qui sera ou ne sera pas toléré. »

A.-B. H.  


Envoyé de mon Ipad 

samedi 16 novembre 2013

"محرقة اليهود" تتكرّر مع اضطهاد المسيحيين!

"محرقة اليهود" تتكرّر مع اضطهاد المسيحيين!
فيونا بروس تتحدّث عن اضطهاد المسيحيين في الشرق الأوسط

بقلم ألين كنعان

بريطانيا, 15 نوفمبر 2013 (زينيت) - اجتمع أعضاء البرلمان في بريطانيا للتحدّث عن قضية اضطهاد المسيحيين في الشرق الأوسط وبالأخص في سوريا ومصر والعراق في بيوت البرلمان في وستمنستر في لندن بحسب عون الكنيسة المتألمة. وكان لفيونا بروس وهي عضو في البرلمان البريطاني حديث مطوّل عن هذا الموضوع مشبهةً اضطهاد المسيحيين الحاصل في أيامنا هذه بمحرقة اليهود التي جرت في كريستال ناخت.

وأشارت فيونا بروس إلى أنواع التعذيب التي يتعرّض لها المسيحيون بالأخص في الشرق الأوسط تشمل نكران دينهم تحت طائلة الموت والخطف والاعتداء على المنازل والكنائس ومراكز أعمالهم. وشدّدت كثيرًا على التقارير الصادرة حول تزايد "الاضطهاد الشديد" للمسيحيين: "علينا أن نصرخ بالاشمئزاز نفسه الذي شعرنا به إزاء الأعمال المتوحشة التي أصابت اليهود في كريستال ناخت وفي ظروف أخرى حصلت في الحرب العالمية الثانية".

وأشارت إلى الحاخام الرئيس السابق اللورد جوناثان ساكس الذي وصف الاضطهاد ضدّ المسيحيين نقلاً عن تصريحات نُسبت إليه في مقابلة له مع صحيفة ديلي تلغراف بأنّه "مأساة إنسانية لا يلبث أحد يلحظها... إنه التطهير العرقي". ثمّ سلّطت الضوء على التقرير الصادر عن عون الكنيسة المتألمة "مضطهدون ومنسيون؟" الذي يشرح أنّ الوضع يتفاقم يومًا بعد يوم من دون أن يبالي أحد بذلك. وتابعت: "إنّ المسيحيين في الشرق الوسط قد عانوا تأثير العنف الذي بدأ في العراق وانتشر في سوريا وألقى بظلاله على مصر تاركًا الكنيسة في خطر".

وكان لديفيد سيمبسون، عضو في البرلمان، مداخلة بهذا الموضوع مثل العديد من الأعضاء الآخرين الذين أدلوا برأيهم بهذا الخصوص وقال: "يُقدّر بأنّ 130 بلدًا من جميع أنحاء العالم يضطهد المسيحيين. في كلّ ساعة، يتمّ تعذيب مسيحي في مكان ما من العالم. من المؤكّد أنه يمكننا أن نقوم بشيء ما في عصرنا هذا من أجل حماية هؤلاء الأشخاص". ووصل غالبية الأعضاء إلى أنّ الدول الغربية تتغاضى عن الوضع الحاصل مع المسيحيين في الشرق الأوسط ولا تدرك حجم فداحته حتى بات وقع عبارة "اضطهاد المسيحيين" عاديًا على آذانهم.

عبّرت فيونا بروس في نهاية اللقاء عن أملها وأعلنت بأنّه سيجري العديد من اللقاءات في البرلمان حول مسألة اضطهاد المسيحيين من أجل الضغط على الحكومة لتبذل جهدًا لحماية المسيحيين ومساعدتهم في جميع أنحاء العالم.

samedi 9 novembre 2013

La composante jihadiste de la rébellion syrienne à la loupe - Entretien avec Romain Caillet, chercheur à l’IFPO - Les clés du Moyen-Orient

LA COMPOSANTE JIHADISTE DE LA RÉBELLION SYRIENNE À LA LOUPE - ENTRETIEN AVEC ROMAIN CAILLET, CHERCHEUR À L'IFPO ARTICLE PUBLIÉ LE 07/11/2013

Chercheur associé à l'Institut français du Proche-Orient et consultant sur les questions islamistes, Romain Caillet (@RomainCaillet) est un historien spécialiste du salafisme contemporain. Ses travaux sont également consacrés à la guerre civile syrienne et plus largement aux rapports sunnites/chiites dans le monde arabe. Basé au Liban depuis plus de trois ans, après avoir vécu plusieurs années en Egypte et en Jordanie, il livre aux Clés du Moyen-Orient son analyse de la crise syrienne et un portrait de l'opposition jihadiste au régime de Bachar el-Assad.


L'opposition syrienne est constituée de groupes très différents : villageois ayant pris les armes, militaires déserteurs, nationalistes, socialistes, libéraux, islamistes, etc. S'agissant de la frange islamiste de cette opposition, quels sont les groupes et les mouvements qui la composent ?

On peut globalement diviser en trois grandes tendances la composante islamiste de la rébellion syrienne. Tout d'abord une formation islamiste relativement modérée portant le nom de Front Islamique de Libération de la Syrie (FILS), estimé à environ 50 000 hommes, dont les plus célèbres brigades sont Liwâ' at-Tawhîd à Alep, Suqûr ash-Shâm (les Faucons du Levant) à Idlib, Liwâ' al-Islâm, devenue Jaysh al-Islâm (l'Armée de l'Islam) depuis le 27 septembre, à Damas et ce qui reste des brigades al-Farûq dans la région de Homs. Estimé à environ 20 000 hommes, le Front Islamique Syrien (FIS), qui fédère à l'origine une dizaine de brigades d'obédience salafie stricte, mais non-jihadiste, est présent sur l'ensemble du territoire sans dominer une zone particulière à l'exception peut-être d'une partie de la région d'Idlib, berceau de Harakat Ahrâr ash-Shâm al-Islâmiyya (HASI), la principale force armée du FIS. Enfin, au cours de cet automne 2013, le nombre des jihadistes engagés au sein de l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), désormais présent sur tout le territoire syrien mais avec de solides bastions au Nord et à l'Est du pays, a franchi la barre des 10 000 hommes, tandis qu'à peine 2000 combattants demeureraient toujours au sein du groupe Jabhat an-Nusra. Ces derniers chiffres, notamment ceux relatifs à l'affaiblissement de Jabhat an-Nusra au profit de l'EIIL, m'ont été récemment confirmés par l'analyste jordanien Marwan Shehadeh, l'un des meilleurs experts du courant jihadiste dans le monde arabe.

Qu'est-ce qui différencie ces groupes (objectif, idéologie, soutiens extérieurs/sources de financement, relation avec les autres forces rebelles et avec la Coalition nationale syrienne) ?

Jusqu'à la fin du mois de septembre 2013, il existait une différence politique de taille entre le FILS et le FIS, le premier étant officiellement affilié à l'Armée Syrienne libre (ASL) et reconnaissant l'autorité du Conseil National Syrien et de la coalition d'Istanbul, tandis que le second déclarait refuser toute légitimité à un gouvernement formé à l'extérieur de la Syrie. Ces différences entre les deux formations sont toutefois en train de s'estomper, la plupart des brigades du FILS ayant signé le 24 septembre 2013 avec le FIS et même les jihadistes de Jabhat an-Nusra, actuellement en perte de vitesse, une déclaration commune désavouant la coalition d'Istanbul. A terme, cet accord pourrait déboucher sur une fusion du FIS et du FILS en une seule et même formation, dont Jabhat an-Nusra ne fera probablement pas partie. L'organisation jihadiste ayant pris ses distances quelques jours après la déclaration du 24 septembre, pour préciser qu'il s'agissait d'un accord politique, sans aucune conséquence sur son organisation militaire. On peut voir dans cette réserve de Jabhat an-Nusra une crainte de perdre son identité jihadiste au sein d'une alliance regroupant majoritairement des formations financées par les régimes du Golfe, cherchant à marginaliser les jihadistes au sein de la rébellion.

Les mouvements jihadistes sont montés en puissance ces derniers mois au sein de l'opposition syrienne. Comment expliquez-vous cela ? Quelle est, par ailleurs, la réalité de cette montée en puissance, par exemple en termes d'effectifs, proportionnellement au reste de l'opposition ?

Proportionnellement au reste de l'opposition, la part des jihadistes demeure toujours minoritaire, leurs 12 000 combattants représentant environ 12% des effectifs de la rébellion, estimée à 100 000 hommes. Malgré cette relative faiblesse numérique, les jihadhistes disposent néanmoins d'une influence croissante au sein de la rébellion, notamment en raison de leurs compétences militaires, leur expérience du Jihad - les plus âgés d'entre eux ont participé jusqu'à parfois cinq conflits (Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie, Irak et Libye) -, leur abnégation au combat ainsi que leur propension à réaliser des opérations suicides. Ces opérations suicides étant d'une redoutable efficacité pour rompre un siège des troupes loyalistes ou pulvériser leurs défenses à l'entrée d'une base ou d'un aéroport militaire. Ainsi, la collaboration avec les jihadistes a fini, bon gré mal gré, par devenir une nécessité pour la plupart des brigades rebelles, indépendamment de leurs orientations idéologiques.

Qui sont ces groupes rebelles jihadistes ? Forment-ils une entité homogène ? Sont-ils principalement composés de Syriens ou d'étrangers ? Quelles sont leurs sources de financement et d'armement ? Quels sont leurs liens avec al-Qaïda et le réseau jihadiste international ?

En Syrie, les deux principaux groupes jihadistes sont l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), que l'on présente souvent à tort comme affilié à al-Qaïda, et Jabhat an-Nusra. Initialement conçue comme une couverture médiatique et sécuritaire pour les activités de l'Etat islamique d'Irak (EII) en Syrie, Jabhat an-Nusra, dont le nom, qui signifie « Front du Secours », ne fait pas référence à la terminologie jihadiste classique, a fini par prendre une ampleur considérable en Syrie. Craignant que leur extension syrienne ne finisse par leur échapper, les dirigeants de l'EII décidèrent alors que les deux organisations (Jabhat an-Nusra et l'EII) seraient désormais réunies sous un seul et même nom : l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui fut proclamé par son Emir et Commandeur des croyants, Abû Bakr al-Baghdâdî al-Qurashî al-Husaynî, le 9 avril 2013.

A la suite de cette proclamation, le chef de Jabhat an-Nusra, Abû Muhammad al-Jûlânî, un jihadiste syrien qui avait auparavant combattu en Irak sous le commandement d'Abû Bakr al-Baghdâdî, fit savoir qu'il ne répondrait pas favorablement à l'appel de son ancien Emir, tout en reconnaissant avoir bénéficié des fonds, de l'armement et des combattants fournis par l'Etat islamique d'Irak. Soucieux de préserver l'identité jihadiste de Jabhat an-Nusra, Abû Muhammad al-Jûlânî acheva son communiqué par une allégeance à Aymân az-Zawâhirî, le chef d'al-Qaïda centrale. Ainsi paradoxalement l'EIIL qui, structurellement, stratégiquement et dans une certaine mesure politiquement, se différencie désormais sensiblement d'al-Qaïda (dont la branche irakienne a été totalement absorbée par l'EII lors de sa formation en octobre 2006), est considéré par les observateurs occidentaux comme plus radical que Jabhat an-Nusra alors que cette dernière est aujourd'hui, après son allégeance à az-Zawâhirî, devenue officiellement la branche syrienne d'al-Qaïda.

Si on comprend qu'aujourd'hui l'EIIL et al-Qaïda constituent structurellement deux organisations distinctes, on a du mal à comprendre quelles sont les différences stratégiques et idéologiques entre ces deux groupes jihadistes, pourriez-vous développer ce point ?

L'EIIL et al-Qaïda sont effectivement assez proches idéologiquement, malgré quelques différences doctrinales, mais la principale divergence entre ces deux formations se situe dans le clivage entre leurs deux agendas politico-militaires respectifs. L'agenda d'al-Qaïda vise depuis sa fondation officielle en 1998, à travers le « Front Islamique Mondial pour le Jihad contre les Juifs et les Croisés », à combattre l'Occident en général et les Etats-Unis en particulier, perçus comme les protecteurs des dictateurs arabes et des alliés indéfectibles d'Israël. Récemment en 2013, Aymân az-Zawâhirî a publié, au lendemain de l'anniversaire des attentats du 11 septembre, un document intitulé Orientations générales de l'action jihadiste dans lequel il recommande à ses partisans de donner la priorité à la lutte contre l'Occident et de s'abstenir de combattre « les hérétiques s'affiliant à l'islam tels que les râfidites (les chiites duodécimains) ». Ce positionnement conciliant d'az-Zawâhirî, et à travers lui d'al-Qaïda centrale vis-à-vis des chiites, s'explique par la diplomatie pro-iranienne de ses alliés talibans d'Afghanistan, dont plusieurs délégations se sont récemment rendues à Téhéran, lui interdisant donc de cautionner la guerre totale menée par l'EIIL contre l'expansionnisme iranien dans le monde arabe.

Cet agenda tranche effectivement avec celui des dirigeants de l'EIIL, estimant qu'après le départ des troupes américaines d'Irak, la priorité est désormais de combattre les ennemis d'aujourd'hui plutôt que ceux d'hier. C'est-à-dire « l'expansionnisme iranien », dénommé dans la terminologie salafiste « le projet safavide » (al-mashrû' as-safawî) - en référence à la dynastie des Safavides (1501-1736), qui après avoir embrassé le chiisme duodécimain parvinrent à convertir la majorité de la population iranienne à leur nouvelle foi -, et ses agents dans le monde arabe, plutôt qu'une Amérique affaiblie et pusillanime, de plus en plus en retrait sur la scène internationale.

Après l'instauration de l'Etat islamique en Irak et Levant (EIIL) qui a pris le contrôle d'une partie du territoire syrien après s'être implanté en Irak, assiste-t-on à un redécoupage de facto de la carte politique régionale, héritée du partage colonial de la Première Guerre mondiale (accords Sykes-Picot) ?

C'est encore trop tôt pour l'envisager mais les idéologues jihadistes sont effectivement persuadés que la date du 9 avril 2013, jour de la proclamation de l'Etat Islamique transnational par Abû Bakr al-Baghdâdî, sera retenue par les historiens de demain comme un point de rupture chronologique majeur, marquant la fin de l'ère « Sykes-Picot » au Moyen-Orient. Sur le terrain, une certaine dynamique en faveur de l'EIIL nous inciterait pour le moment à ne pas écarter trop vite cette hypothèse, d'autant plus que la popularité de l'EIIL déborde aujourd'hui les frontières irako-syriennes, des allégeances à son Commandeur des croyants ayant été proclamées au Liban, en Jordanie, au Sinaï et même en Arabie saoudite. Outre ces allégeances, officiellement non reconnues par l'EIIL pour le moment, de multiples messages de soutiens émanant de Somalie, d'Indonésie et même d'Europe occidentale ont été adressés à l'EIIL et à Abû Bakr al-Baghdâdî, dont la popularité semble aujourd'hui supplanter celle d'az-Zawâhirî et d'al-Qaïda sur les réseaux sociaux.

Comment administrent-ils les territoires qui sont passés sous leur contrôle ? La population syrienne adhère-t-elle à ce mode d'administration ?

Il semble évident que ce qu'on appelle « la société civile », c'est-à-dire dans le contexte de la révolution syrienne les intellectuels, les jeunes activistes des réseaux sociaux et l'ensemble du tissu associatif sécularisé, rejette non seulement l'interprétation littérale de la loi islamique faite par l'EIIL mais aussi son mode de contrôle autoritaire de la société. Ainsi, les arrestations de certaines figures locales de la révolution ou les interdictions de publier faites à plusieurs journaux sont extrêmement mal perçues par ceux qui s'estiment, à tort ou à raison, à l'origine du soulèvement populaire contre le régime de Bachar al-Assad. Ceci étant dit, une part non négligeable de la population, celle qui n'avait pas, dans sa majorité, manifesté contre le régime de Bachar al-Assad, se satisfait de l'autoritarisme de l'EIIL qui permet, paradoxalement, un retour à la sécurité en liquidant les ex-brigades de l'ASL, gangrénées par une dérive mafieuse, qui rançonnaient les populations des zones « libérées ». Outre ces populations urbaines désireuses d'ordre, quand bien même serait-il islamique, plus d'une vingtaine de tribus des zones rurales d'Alep et de Raqqa se sont ralliés à l'EIIL à la mi-octobre et au début du mois de novembre 2013, attestant ainsi d'un processus en cours d'enracinement de l'Etat Islamique au sein de la société syrienne.

De même, comment interprétez-vous les violentes altercations observées ces derniers mois d'une part entre djihadistes et combattants kurdes et d'autre part entre djihadistes et Armée syrienne libre (liée à la CNS), sachant que ces différents groupes ont généralement la même confession sunnite et font partie de l'opposition à Bachar al-Assad ?

Le seul point commun entre les jihadistes de l'EIIL et les séparatistes kurdes, laïques et proches des marxistes du PKK, n'est pas l'appartenance au sunnisme mais leur volonté commune de mettre en place, en partie sur un même espace géographique, les structures de deux nouveaux Etats transnationaux, de nature islamique pour le premier et à caractère ethnique pour le second. Les enjeux des combats actuels sont donc d'une part la délimitation des futures frontières de l'Etat islamique en Irak et au Levant mais aussi celles d'un Kurdistan indépendant, en gestation depuis plusieurs années de l'autre côté de la frontière syro-irakienne. Le second enjeu des combats entre séparatistes kurdes et jihadistes syriens est celui du contrôle des champs de pétrole, permettant de générer des revenus non négligeables, pour l'organisation qui les détient sur son territoire. Concernant les affrontements entre l'EIIL et certaines brigades de l'ASL, telles que « les descendants du Prophète » à Raqqa et « Tempête du Nord » à Azaz, au Nord-Ouest d'Alep, ceux-ci sont à replacer dans une stratégie des jihadistes visant à éliminer toutes les brigades pro-occidentales, suspectées d'être manipulées par les services de renseignement étrangers. Cette stratégie vise à long terme à empêcher, au lendemain de la fin de la guerre de Syrie, l'émergence d'une force supplétive de l'Occident, sur le modèle irakien de la Sahwa, ce mouvement anti-jihadiste qui regroupa à partir de 2006 d'anciens insurgés sunnites irakiens devenus par la force des choses, et parfois malgré eux, des miliciens collaborateurs de l'occupation américaine, puis du « régime chiite » pro-iranien de Nouri al-Maliki.



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« L’islam et le christianisme ont besoin de dialogue » affirme le président iranien | La-Croix.com

Le président iranien, Hassan Rohani, a reçu le nouveau nonce apostolique en Iran Mgr Leo Boccardi, le 5 novembre 2013.

Le président iranien Hassan Rohani a expliqué vouloir « relancer le dialogue entre le monde islamique et le monde chrétien » et souhaiter une alliance entre l'Iran et le Saint-Siège « sur les grandes questions qui traversent l'humanité telles que la lutte contre le radicalisme, l'injustice et la pauvreté », rapporte l'agence Fides. Cette demande d'Hassan Rohani a été faite le 5 novembre à l'occasion de sa rencontre avec le nouveau nonce apostolique en Iran, Mgr Leo Boccardi. Le président iranien a publié une photographie de la rencontre sur son compte Twitter, écrivant que « l'islam et le christianisme ont besoin de dialogue aujourd'hui plus que jamais car beaucoup de conflits entre les religions sont enracinés dans l'ignorance et le manque de connaissance réciproque ». Le Saint-Siège et l'Iran ont « des ennemis communs » - tels que le terrorisme et l'extrémisme – et « des objectifs similaires » - comme le fait de vaincre l'injustice et la pauvreté dans le monde, a encore noté Hassan Rohani, qui a remercié le pape François de ses vœux au peuple iranien, souhaitant que « les deux pays puissent travailler ensemble afin de bloquer la violence et le radicalisme dans le monde ».

« La condition des minorités religieuses en Syrie, comme les chrétiens, un motif de préoccupation »

Le nouveau nonce apostolique en Iran, Mgr Boccardi, en présentant ses lettres de créance, a souhaité « des rapports bilatéraux plus étroits entre le Saint-Siège et la République islamique », exprimant le désir que les deux Etats puissent collaborer afin de résoudre les crises régionales au Moyen-Orient, en particulier le conflit actuellement en cours en Syrie. Le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, a déclaré que, vue la forte présence de groupes extrémistes sur le terrain, « la condition des minorités religieuses en Syrie, comme les chrétiens, sont pour nous motif de préoccupation. »

Avec Fides


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