jeudi 21 mars 2019

Dieu Est-Il Violent

https://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Violence/La-violence-dans-la-Bible?&PMID=197ec60227781c490e5f147c1975ad4f

Beaucoup s’interrogent sur la violence de certains épisodes rapportés dans la Bible. Anne Soupa, bibliste, explique comment les Écritures nous apprennent à gérer la violence.


Le déluge, par Hans Baldung (1485-1545). © D. R.

Sophie de Villeneuve : Certains passages de la Bible donnent l'image d'un Dieu terrible, qui n'hésite pas à ordonner lui-même la violence. On se souvient du prophète Elie égorgeant les quatre cents prophètes de Baal, ou encore la destruction de Jérusalem et l'exil à Babylone. Sans compter les massacres du livre d'Esther et autres récits tout aussi terrifiants. Quant au Nouveau Testament, il comporte lui aussi des scènes violentes et Jésus lui-même se montre parfois violent. Alors, pourquoi la Bible est-elle si violente ? Et d'abord, cette violence est-elle réelle ?


Anne Soupa : J'aimerais distinguer, dans ce que vous avez présenté, la violence exercée par les hommes et la violence attribuée à Dieu. Effectivement, la Bible parle de temps anciens qui sont très violents. Il y a de la violence dans la Bible parce que les hommes sont violents. Ils le sont de toute éternité, et nous naissons encore avec de la violence en nous. Mais je pense que les temps anciens favorisaient la violence, parce que vivre était difficile. C'étaient des périodes où il n'y avait pas de droits, pas de secours, il fallait se défendre par soi-même et parfois au prix de la violence.

Dans le Nouveau Testament, Jésus lui aussi peut avoir des paroles violentes.

A. S. : La violence de Jésus est réelle, mais c'est une violence qui construit, et non qui détruit. C'est une violence qui vise à nous remettre sur le droit chemin du bon rapport à Dieu. On pense bien sûr à l'épisode où il chasse les marchands du Temple. Là, il est pris, comme dit Elie, d'un "zèle jaloux" pour Dieu, son Père, il veut honorer la véritable image de Dieu. C'est le souci de Dieu, l'honneur de Dieu qui le rend violent. Ce n'est pas une violence qui détruit des gens, elle remet les choses à leur place. 

Finalement, la violence de Jésus est la même que celle de Dieu, elle surgit quand ne le reconnaît pas comme celui qui est tendresse ?

A. S. : Dans de nombreux passages, Jésus se montre particulièrement tendre, guérissant, et c'est cette figure de Jésus qui domine dans le Nouveau Testament. Mais elle intègre parfois une certaine violence verbale qui traduit, je crois, une certaine rectitude. 

Est-ce que cette violence biblique nous dit quelque chose de notre vie d'aujourd'hui ?

A. S. : Elle nous dit de ne pas occulter la dimension violente de notre bagage génétique. Nous avons à reconnaître que nous sommes violents. Quand on y réfléchit, notre éducation d'enfants vise à nous faire reconnaître et domestiquer notre violence. Sans doute aujourd'hui manquons-nous de repères pour gérer notre violence, et il me semble que dans l'Eglise, nous pourrions davantage honorer le conflit, la joute, le débat, la discussion vive. Il faut se garder d'un unanimisme qui n'est que de façade et méconnaît la divergence d'opinion, la différence et une certaine agressivité qui est normale. 

Lire la Bible sous cet angle-là peut-il nous aider à surmonter notre propre violence, à la reconnaître ?

A. S. : Cela peut nous aider à lui faire une place. Donner sa place à la violence en nous, c'est la localiser, et éviter ainsi qu'elle ne déborde. Oui, relisons la Bible, car la gestion de la violence y est très saine. Il serait dommage de l'en évacuer.