"Soumission", au-delà du scandale, l'hommage de Houellebecq à Huysmans
En faisant du héros de "Soumission", un professeur spécialiste de Joris-Karl Huysmans, Michel Houellebecq rend hommage à l'oeuvre de cet écrivain de la fin du XIXe siècle, qui a exploré les bas-fonds d'une société décadente, le satanisme, avant de se convertir au catholicisme. "Je pense qu'il aurait pu être un ami pour moi", confesse Michel Houellebecq au sujet de Huysmans, écrivain pessimiste, peu lu aujourd'hui, mais qui fut en son temps qualifié, lui aussi, de provocateur et de scandaleux. "Je m'imagine très bien en étudiant lui consacrant sa vie", ajoute l'écrivain dans une interview accordée au journaliste de France Culture Sylvain Bourmeau.
Né en 1848, Huysmans a d'abord été le défenseur de la cause naturaliste, aux côtés de Zola et de Maupassant, avant de s'en détourner pour s'orienter vers une quête plus personnelle qui le conduira aux portes de la vie monastique, via les sciences occultes. À rebours, son roman le plus connu, paru en 1884, marque ainsi une rupture franche dans son parcours littéraire torturé. François, le héros de Soumission, qui enseigne l'oeuvre de Huysmans à la Sorbonne, a d'ailleurs un faible pour ce roman où l'auteur décrit l'isolement volontaire, qui finit par dégénérer en névrose, du duc Jean des Floresses des Esseintes, un aristocrate blasé, misanthrope, aux goûts et tendances délibérément hors norme.
Conversion
"La vie de l'homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui", dit des Esseintes dans À rebours, livre sur une quête d'idéal qui échoue et dont Oscar Wilde s'inspirera, quelques années plus tard pour écrire Le Portrait de Dorian Gray. Dégoûté de la réalité, des Esseintes, antihéros "houellebecquien" avant l'heure, cherche désespérément, en recourant sans cesse à l'artifice, des sensations rares et des plaisirs toujours nouveaux, jusqu'à l'hallucination, presque jusqu'à la folie.
"Houellebecq provocateur sulfureux, et J. K. Huysmans décadent fin de siècle (...) étaient assurément faits pour s'entendre", expliquait récemment dans Libération Patrice Locmant, auteur en 2007 d'une biographie de Huysmans. "Cent trente ans après le largage d'À rebours, Soumission incarne l'éternel et inusable retour d'un pessimisme radical qui se transmet à travers les âges", soulignait-il.
Un pessimisme qui justifia ce commentaire à l'écrivain catholique Barbey d'Aurevilly après la lecture d'À rebours : "Après un tel livre, il ne reste plus à l'auteur qu'à choisir entre la bouche d'un pistolet ou les pieds de la croix." Huysmans choisira la deuxième solution. Après avoir exploré le phénomène du satanisme, notamment à travers le cas historique de Gilles de Rais (Là-bas, 1891), il se tournera définitivement vers la religion catholique. À quand la conversion de Houellebecq, lui qui explique à Sylvain Bourmeau avoir découvert "ne pas être athée" à l'occasion de la mort de "ses parents et de son chien" ?
Consultez notre dossier : Michel Houellebecq, l'art de la provocation
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