L'Islam contre la République ou la République contre l'Islam?
Les Français l'oublient, mais selon nos règles institutionnelles, le ministre de l'Intérieur exerce aussi la fonction, pour le moins paradoxale dans une société laïque, de ministre des Cultes. Il est donc conforme à la règle que Bernard Cazeneuve prenne en charge le dossier sans doute le plus complexe et le plus dangereux du moment : la place de l'Islam en France, son adéquation (ou pas) avec les principales valeurs de la République. En langage technocratico-ministériel, cela s'appellera désormais "réforme du culte musulman". Dans la réalité politique d'aujourd'hui, Bernard Cazeneuve manipule une bombe, et il le sait.
Sans doute est-il le ministre qui, sous l'autorité de Manuel Valls, lui-même fortement engagé dans ce débat fracassant, est le mieux à même de mener à bien cette si dangereuse mission. Durant la récente période des attentats, Cazeneuve a su en effet montrer une sérénité à toute épreuve, rassurant de la sorte un pays au bord de la crise de nerfs. En dépit des prophètes de mauvais augure, les actes islamophobes n'ont fort heureusement guère été nombreux après les massacres, et la gestion précise, sinon pointilleuse, du ministre de l'Intérieur y est pour beaucoup. Mais, pour le coup, l'affaire est plus périlleuse encore car de nombreux républicains, à tort ou à raison, s'interrogent quant à la compatibilité de l'Islam avec nos principes. Et les mots sont d'une précision cruciale : personne, à part quelques gauchisto-islamiste près, ne doute plus que l'islamisme et les islamistes sont engagés dans un combat à mort contre l'Occident ; or, les interrogations du moment ne portent plus sur l'islamisme, mais bel et bien sur l'Islam. Et il faut avant tout savoir raison garder. C'est ce que va tenter de faire Bernard Cazeneuve. Reste à savoir comment et avec quels résultats ?
Le judaïsme français, un modèle d'organisation
En lisant avec attention les récentes déclarations de Bernard Cazeneuve, notamment dans Le Monde, en se référant aussi aux prises de position successives de Manuel Valls, on constate que le judaïsme français est le modèle d'organisation et d'expression auxquels ils se réfèrent : des imams formés en France se revendiquant expressément du modèle républicain ; une pratique religieuse ouverte trouvant sa place dans une laïcité assumée, mais pas laïcarde, fermée sur elle-même, anti religieuse - et c'est précisément ce que confirme Bernard Cazeneuve : "La laïcité, ce n'est pas une arme contre les musulmans, ni un principe d'hostilité à la religion". C'est évident, mais cela va mieux en le précisant car l'offensive "laïque" du Front National a provoqué des ravages dans cette France périurbaine qui trouble désormais tant de brillants esprits et il est temps, grand temps, d'y répliquer. Dans son style lisse, en n'élevant jamais la voix, Cazeneuve va tenter de mettre en place ce mécano. Bonne chance...
Car la comparaison islam français - judaïsme français n'est pas forcément pertinente. Au plan historique, elle semble même étrange tant les périodes sont différentes, divergentes, tant les volontés, et surtout les possibilités, d'intégration n'ont rien, plus rien, en commun. Quoi qu'en pensent Edwy Plenel ou le géographe Emmanuel Todd, contempteurs radicaux de la France, l'islamisme n'est pas la conséquence, la réplique, à un pays jadis colonialiste et désormais islamophobe. Bernard Cazeneuve sera contraint de tenir compte de cette dérive. Parce que de nombreux jeunes Français musulmans sont convaincus de ces sornettes. Cela rend l'opération d'autant plus complexe.
Envoyé de mon Ipad
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