lundi 12 janvier 2015

Terrorisme, islamisme : la guerre des mots des politiques - Le Point

Terrorisme, islamisme : la guerre des mots des politiques - Le Point
Terrorisme, islamisme : la guerre des mots des politiques
Le chef de l'État François Hollande a accueilli Nicolas Sarkozy sur le perron de l'Élysée dimanche avant la marche républicaine en mémoire des victimes des attentats.

Après trois jours d'attentats terroristes et dix-sept morts, la classe politique française se livre à une véritable guerre des mots. Comment qualifier Chérif et Saïd Kouachi - responsables de la tuerie de Charlie Hebdo - ainsi qu'Amedy Coulibaly, auteur de la fusillade de Montrouge et de la prise d'otages de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes ? Faut-il parler de "terroristes" ? Ou bien de "fondamentalistes islamiques", d'"islamistes radicaux" ? Les responsables politiques sont partagés. Pour qualifier les assassins, le chef de l'État François Hollande parle de "terroristes", d'"illuminés", de "fanatiques". Le patron de l'UMP Nicolas Sarkozy est dans le même registre quand il condamne des "terroristes", des "assassins" et des "barbares". En revanche, le Premier ministre Manuel Valls, le député UMP de Paris François Fillon et le député UMP de Haute-Loire Laurent Wauquiez affirment que la France est en guerre contre "l'islamisme radical". Quant à la patronne du FN Marine Le Pen, elle qualifie les frères Kouachi d'"islamistes radicaux" ou de "fondamentalistes islamiques" tout en établissant un lien clair entre immigration et islam radical. Bref, après le temps de l'union nationale et du recueillement, les divisions et clivages politiques resurgissent.

Éviter les dérapages

Qui a raison ? Comment faut-il nommer ces assassins ? Et surtout faut-il mentionner l'islamisme ? Voilà ce qu'en pense Olivier Roy, chercheur spécialiste du monde musulman : "Parler de barbares, cela ne veut rien dire : barbare, c'est une insulte, mais ce n'est pas une analyse politique. On peut les qualifier d'islamistes radicaux, car il faut bien leur donner un nom. Moi, je dirais que ce sont des terroristes qui se réclament de l'islam." L'islam, nous y voilà. C'est parce que les responsables politiques veulent à tout prix apaiser la communauté nationale, rassembler, éviter les dérapages et les amalgames entre "terroristes" et "musulmans" qu'ils refusent d'employer toute expression faisant référence à l'islam. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius l'a clairement expliqué au micro d'Europe 1 : "Je pense que l'expression islamiste n'est probablement pas celle qu'il faut utiliser. J'appelle ça des terroristes. Parce que, dès lors que vous utilisez le mot islam, vous favorisez une espèce de vision de continuité entre le musulman, qui pratique sa religion qui est une religion de paix, et puis quelque chose qui serait une certaine interprétation de la religion musulmane."

"Khmers rouges"

Alors qu'une partie des électeurs semble à cran sur la question de la pratique de l'islam en France et pourrait être tentée de pointer du doigt cette religion, les dirigeants multiplient les déclarations sur la nécessité d'éviter les amalgames. Que ce soit François Hollande vendredi soir -- "ceux qui ont commis ces actes, ces terroristes, ces illuminés, n'ont rien a voir avec la religion musulmane" - ou même Marine Le Pen qui appelle à "ne pas faire de confusion entre nos compatriotes musulmans attachés à nos valeurs et ceux qui pensent pouvoir tuer au nom de l'islam". Pour le chercheur Olivier Roy, la question sous-jacente est bien celle de l'amalgame : "Le problème, ce n'est pas ce que dit l'islam. Pour les terroristes, l'islam est un imaginaire politique et une cause abstraite qui a l'avantage d'être virtuelle et globale. Ils n'ont aucune formation religieuse. L'erreur est d'insister sur l'islam, car c'est avant tout un phénomène terroriste de violence radicale." Et de poursuivre : "Ces jeunes ne sont pas intéressés par la religion mais par le djihad : le djihad avec un grand D a remplacé ce qui était la révolution avec un grand R il y a trente ans. Les terroristes mènent un combat politique. Ils agissent comme des révolutionnaires. Ce sont des Khmers rouges qui ont fait table rase pour l'émergence de ce qu'ils voient comme la vérité."

Immigration et islam au coeur des débats

Malgré les appels au refus de tout amalgame, d'aucuns ont bien l'intention de débattre sur l'immigration, l'intégration ou la pratique de l'islam en France. "Je dois mesurer mes propos pour éviter que nous basculions de l'unité nationale à l'affrontement national, c'est un risque. Je n'ai pas l'intention de jeter de l'huile sur le feu, ce qui serait irresponsable", affirme Nicolas Sarkozy. Avant d'ajouter : "Les questions de l'immigration et de l'islam sont clairement posées. La question clairement posée aujourd'hui, c'est celle de l'islam de France, pas de l'islam en France." De son côté, Marine Le Pen s'inquiète que "le mot de fondamentalisme islamiste" ne soit pas utilisé. "Le simple mot de terrorisme me paraît tout à fait insuffisant. Le terrorisme est un moyen, mais, derrière ce terrorisme, il y a une idéologie, et cette idéologie, c'est le fondamentaliste islamiste. Le fondamentalisme islamiste est le cancer de l'islam", juge-t-elle.

Jean-Marie Le Pen, "Charlie Martel"

Quant au président d'honneur du FN Jean-Marie Le Pen, il dit tout haut ce que pensent tout bas de nombreux militants frontistes : "Je ne suis pas Charlie, je suis Charlie Martel." Une façon de proclamer que, selon lui, il faut bouter l'islam hors de France en faisant allusion au prince franc qui –- à la suite de la victoire remportée aux environs de Poitiers en octobre 732 –- arrêta l'invasion musulmane dirigée par Abd al-Rahman. Autant de débats et d'attaques sur l'islam que certains veulent éviter. "Dire depuis dix ans que l'islam pose problème en France pousse certains musulmans à se placer dans une logique de rejet de la société, estime Amel Boubekeur, sociologue spécialiste de l'islam. (...) L'exclusion des musulmans est assurément le moteur de la radicalisation." Et Olivier Roy de conseiller : "Il faut montrer la diversité de la population musulmane en France : il y a beaucoup plus de musulmans qui sont dans l'armée, la police et la gendarmerie françaises que dans al-Qaida."



Envoyé de mon Ipad 

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