jeudi 15 janvier 2015

Al-Qaida - EI : qui a frappé la France ? - Le Point

Al-Qaida - EI : qui a frappé la France ? - Le Point

Al-Qaida - EI : qui a frappé la France ?

Nasser ben Ali al-Anassi, l'un des chefs d'al-Qaida au Yémen, revendiquant dans une vidéo l'attaque contre "Charlie Hebdo".

Une semaine après les effroyables attentats qui ont visé la capitale française, des questions subsistent sur leurs possibles commanditaires. Au cours de la fusillade contre le siège de Charlie Hebdo, les frères Chérif et Saïd Kouachi ont revendiqué leur acte au nom d'al-Qaida au Yémen. Quant à Amedy Coulibaly, l'auteur de la fusillade de Montrouge et de la sanglante prise d'otages de l'épicerie casher de la porte de Vincennes, il a indiqué au cours de cette dernière agir au nom de l'organisation État islamique (EI). Problème, ces attentats "synchronisés", comme l'a indiqué Amedy Coulibaly, impliquent deux organisations rivales, si ce n'est ennemies, au Moyen-Orient. Et qui se combattent farouchement en Syrie, avec plus de 3 000 morts depuis fin 2013.

"Ces deux organisations djihadistes s'opposent sur le plan idéologique", souligne Mathieu Guidère*, professeur d'islamologie à l'université de Toulouse-Jean-Jaurès. "Al-Qaida prône un djihad global et déterritorialisé, dont le but est de convertir le monde entier en perpétrant des attentats. Pour ce faire, l'organisation forme des cellules qu'elle envoie en Occident", explique l'islamologue. "Au contraire, l'EI se situe dans un djihad territorialisé. Son but est de favoriser la venue de djihadistes au Moyen-Orient afin de créer un véritable État viable." Un rêve que l'organisation a concrétisé en juillet dernier avec la proclamation par son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, d'un "califat" islamique à cheval sur la Syrie et l'Irak.

Charb, personnalité à abattre

Longtemps leader du djihadisme mondial, al-Qaida est indéniablement en perte de vitesse depuis la mort d'Oussama Ben Laden en 2011. Et se voit désormais supplanter par l'EI. Preuve en est, nombre d'organisations islamistes au Maghreb et dans la péninsule arabique rejoignent l'EI, menaçant à terme la raison d'être d'al-Qaida. Pourtant, si l'organisation a perdu au cours des dernières années nombre de ses cadres dans des attaques de drones américains au Pakistan, elle conserve néanmoins une branche très active au Yémen : al-Qaida dans la péninsule arabique (Aqpa ou al-Qaida au Yémen), fruit de la fusion des branches saoudiennes et yéménites en janvier 2009.

Disposant de camps d'entraînement dans la région désertique de l'Hadramaout, dans l'est du Yémen, Aqpa a profité de l'affaiblissement du pouvoir yéménite après la révolte populaire de 2011 pour se renforcer. À l'origine de plusieurs vagues d'attentats contre les forces de l'ordre et les rebelles chiites dans le pays, l'organisation n'a jamais caché son souhait de frapper l'Occident et ainsi renaître sur la scène internationale. Spécialisé dans la "formation au djihad" de jeunes islamistes étrangers sous le couvert d'études religieuses, Aqpa a accueilli plusieurs fois depuis 2009 au moins un des frères Kouachi. Le cadet, Chérif, a même indiqué par téléphone à BFM TV avoir été formé dans un camp au maniement des armes en 2011. Pour susciter des vocations dans le monde entier, al-Qaida au Yémen est allée jusqu'à lancer en 2010 Inspire, son magazine en langue anglaise. Il y a inscrit en 2013 le nom de Charb, directeur de la publication de Charlie Hebdo décédé dans l'attaque, comme personnalité à abattre pour avoir caricaturé le prophète Mahomet.

"Des héros ont été recrutés" (al-Qaida au Yémen)

Ce n'est donc pas une surprise si Aqpa a revendiqué ce mercredi l'attentat contre Charlie Hebdo. "Des héros ont été recrutés et ils ont agi [...] à la grande satisfaction des musulmans", a déclaré dans une vidéo Nasser ben Ali al-Anassi, l'un des chefs d'al-Qaida au Yémen. "C'est nous qui avons choisi la cible, financé l'opération et recruté son chef", a-t-il assuré, avant de préciser que "l'opération a été menée sur ordre de notre émir Ayman al-Zawahiri [chef d'al-Qaida, NDLR] et conformément à la volonté posthume d'Oussama Ben Laden".

"L'attaque des frères Kouachi contre Charlie Hebdo a été minutieusement préparée", note le journaliste Wassim Nasr, expert des questions djihadistes à France 24, qui rappelle que les cibles choisies - la rédaction de Charlie Hebdo - ne doivent rien au hasard. "Au contraire, les attaques d'Amedy Coulibaly ont frappé par leur caractère désorganisé et aléatoire", poursuit le spécialiste. En effet, après avoir probablement tiré à la mitraillette sur un joggeur de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) dès mercredi soir, Amedy Coulibaly a abattu une policière municipale jeudi matin lors d'un accident de la route à Montrouge, alors qu'il semblait se diriger vers une cible beaucoup plus importante, peut-être une école juive de la ville. Une communauté qu'il a précisément visée dès le lendemain, en abattant quatre juifs dans la prise d'otages de l'épicerie casher de Vincennes.

"Tuer les méchants et sales Français"

La vidéo de revendication de Coulibaly au nom de l'organisation État islamique est à l'image de ses attaques. Vêtu de la robe musulmane et du keffieh, l'homme lit dans un arabe plus qu'hésitant son serment d'allégeance en se tenant devant un grand drap blanc sur lequel est accrochée la bannière noire djihadiste. "Malgré l'accent marqué, la vidéo ne comporte aucune faute", remarque l'islamologue Mathieu Guidère. "Il y a chez Amedy Coulibaly un souci de conformité." Romain Caillet, chercheur et consultant sur les questions islamistes au cabinet NGC Consulting, note cependant que la vidéo "n'a pas été diffusée par la branche médiatique officielle de l'organisation État islamique".

Le tueur présumé de Montrouge et de Vincennes semble répondre à l'appel de l'EI de tuer les "méchants et sales Français [...] de n'importe quelle manière", formulé en septembre par l'organisation après les premières frappes françaises anti-djihadistes en Irak. L'islamologue Mathieu Guidère relève par ailleurs la proposition faite par l'EI, "permettant à ses sympathisants de faire allégeance à distance, via Skype, ce qui lui a permis de développer rapidement un réseau conséquent". Seule exigence, qu'un témoin assiste à la scène, même en visioconférence.

À la différence de l'attaque des frères Kouachi contre Charlie Hebdo, les tueries commises par Amedy Coulibaly n'ont, pour l'heure, pas été revendiquées. Pour nombre d'observateurs, ce dernier aurait en réalité agi de son propre chef, greffant son action à celle de Chérif Kouachi, avec lequel il avait noué des liens en prison. L'expert Wassim Nasr est en tout cas formel : "L'EI n'est pas derrière les actes de Coulibaly. Jusqu'à preuve du contraire, l'organisation n'a pas encore les moyens de monter une opération coordonnée en Occident, ce qui reste l'apanage d'al-Qaida." Au lendemain de l'attentat contre le journal satirique, la radio officielle de l'EI a d'ailleurs salué jeudi les "héros" Kouachi, qu'elle a qualifiés de djihadistes (et donc ne faisant pas partie de l'organisation, dont les combattants sont appelés moudjahidine, NDLR). Elle n'a, en revanche, pas consacré une seule seconde à la fusillade de Montrouge.

Consultez notre dossier : Attentats meurtriers en France



Envoyé de mon Ipad 

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