vendredi 9 décembre 2016

L'Etat islamique commet-il un génocide contre les Yézidis? L'Assemblée nationale a tranché

L'Etat islamique commet-il un génocide contre les Yézidis? L'Assemblée nationale a tranché

L'Etat islamique commet-il un génocide contre les Yézidis? L'Assemblée nationale a tranché

DAECH - À l'initiative des parlementaires du groupe Les Républicains, l'Assemblée nationale planchait ce jeudi 8 décembre sur une proposition de résolution "en vue de reconnaître le génocide perpétré par Daech contre les populations chrétiennes, yézidies et d'autres minorités religieuses en Syrie et en Irak".

Selon les défenseurs de cette proposition, les atrocités commises par l'organisation jihadiste "réunissent la plupart des critères définissant le génocide". L'adoption de cette résolution a pour but de permettre à la France de saisir "le Conseil de Sécurité de l'Onu pour qu'il donne compétence à la Cour Pénale Internationale pour poursuivre ces crimes". À la mi-journée, l'Assemblée nationale a adopté cette résolution.

En 2014, la France avait saisi le conseil de l'Onu, mais la résolution portait à la fois sur les crimes de l'EI et sur ceux du régime de Bachar al-Assad. Une position qui s'était logiquement heurtée au véto de la Chine et de la Russie.

Un texte similaire adopté au Sénat

Mardi 6 décembre, le Sénat a adopté une résolution similaire présentée par Bruno Retailleau. Le sénateur filloniste, qui a toujours plaidé pour la défense des chrétiens d'Orient, souhaite qu'en parallèle des efforts militaires, Daech soit combattu "par le droit".

"La reconstruction de ces pays ne se fera pas sans réconciliation, et il n'y aura pas de réconciliation sans que justice ne soit rendue", estime Bruno Retailleau. Cette résolution a reçu le soutien des groupes socialistes et écologistes.

Seul le groupe communiste s'est abstenu. La sénatrice Eliane Assassi, du Groupe communiste républicain et citoyen, a jugé cette résolution "maladroite", craignant que "les minorités chrétiennes ou yézidies comptent plus que les autres".

"Adorateurs du diable"

Dans son livre État islamique, le fait accompli, le spécialiste du jihadisme Wassim Nasr revient en détail sur le sort qui est réservé à la communauté Yézidie. L'organisation jihadiste a théorisé (sur le plan religieux) les atrocités qui leur ont été réservées. À l'inverse d'autres communautés chrétiennes qui ont pu faire le choix de la soumission en acceptant le statut spécial de "dhimmi" par l'affranchissement d'une taxe spéciale ("jizia"), les Yézidis sont accusés par l'EI d'être "des adorateurs du diable" et ne peuvent donc pas accéder à ce statut.

Pour cette raison, "les hommes ont été massacrés et beaucoup d'enfants finiront dans des camps d'entraînement et d'endoctrinement" de l'EI. Les femmes ont été réduites en esclavage, comme l'ont renseigné nombre de témoignages. Outre les atrocités commises par les jihadistes (qui ne concernent pas que les seuls Yézidis en Irak et en Syrie), Daech consacre un statut particulier aux membres de cette communauté. "Il n'est pas normal que la minorité yézidie continue de vivre dans la plaine de Ninive, en Irak, ou au Sham en général", écrit l'organisation jihadiste dans le numéro 4 de son magazine Dabiq, citant des "enseignements du prophète" pour justifier ses exactions.

Une justification qui fait directement écho à l'article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Et le sort des Yézidis sur les terres de l'EI ne s'est pas arrangé avec l'accélération des offensives de la coalition. Malgré les défaites militaires successives de Daech, "rien n'a bougé", indique au HuffPost Wassim Nasr. "Les femmes sont toujours esclaves, les enfants convertis et les hommes tués".

Qu'en est-il des autres chrétiens d'Orient?

Pour autant, ce qui vaut pour les Yézidis vaut-il pour les autres communautés de chrétiens? Comme dit plus haut, il existe un statut particulier de soumission. L'Etat islamique a pu proposer à certains chrétiens, en leur qualité de "gens du livre", une alternative à laquelle n'ont pas eu droit les Yézidis.

"Trois options" s'offraient à eux, décrit Wassim Nasr dans État islamique, le fait accompli: "se convertir à l'islam ; conserver leur religion à condition de se plier aux lois et aux tribunaux et de payer une jizia; en cas de refus des deux premières options, cette prise de position sera considérée comme une déclaration de guerre à l'Etat islamique et les chrétiens rentreront dans la catégorie des combattants et l'épée tranchera entre eux et l'EI". Autrement dit, "la soumission ou l'exode", écrit le spécialiste.

Une condition intenable qui conduit Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l'Œuvre d'Orient et soutien de l'initiative des parlementaires, à considérer que tous les chrétiens de la région entrent dans la logique "génocidaire" du groupe jihadiste. Et cette fois encore, le sort réservé à ces communautés semble rentrer dans les dispositions prévues par la Convention de 48.

Le terme "génocide" partagé à l'international

La qualification de "génocide" des actes perpétrés par Daech à l'encontre des Yézidis et autres communautés chrétiennes est déjà partagée à l'international. Au mois de juin 2016, une commission d'enquête de l'Onu arrivait à la conclusion que ce qui se passait à l'égard de cette communauté était bien plus grave que des crimes de guerre.

"Daech n'a pas caché son souhait de détruire les Yézidis de Sinjar, et cela est l'un des éléments qui nous a permis de conclure que leurs actions constituent un génocide", déclarait Carla Del Ponte, membre de la commission d'enquête et co-signataire du rapport. Au mois de mars, le secrétaire d'État américain John Kerry utilisait les mêmes termes. "L'État islamique est responsable d'un génocide dans certaines zones incluant les yézidis, les chrétiens et les musulmans chiites", expliquait-il.

Au mois d'avril, le parlement britannique a adopté une motion permettant de poursuivre l'Etat islamique pour "génocide". Restait à savoir si les parlementaires français étaient prêts à imiter leurs homologues britanniques. À l'exception du groupe PS qui s'est abstenu car le texte ne mentionne pas les crimes de guerre perpétré par Damas, la représentation nationale a elle aussi reconnu le "génocide" commis par l'EI.

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