Les visages des musulmans de France, le rapport de l'Institut Montaigne
Un rapport de l'Institut Montaigne publié dimanche 18 septembre dessine un portrait des musulmans de France et propose des pistes d'organisation d'un « islam français ».
L'enquête montre des profils très divers de musulmans, des plus sécularisés à d'autres plus en rupture avec la société française.
Un rapport de l'Institut Montaigne publié dimanche 18 septembre dessine un portrait des musulmans de France et propose des pistes d'organisation d'un « islam français ».
L'enquête montre des profils très divers de musulmans, des plus sécularisés à d'autres plus en rupture avec la société française.
Musulmans se rendant à la prière du vendredi, à la mosquée d'Evry-Courcouronnes (91), / Corinne SIMON/CIRIC/
1/Que dit ce rapport des musulmans de France ?
Rédigée par Hakim El Karoui, ancien collaborateur de Jean-Pierre Raffarin à Matignon et ancien président de l'Institut des cultures d'islam, l'enquête dénombre, en s'appuyant sur un sondage de l'Ifop (1), 5,6 % des habitants de la métropole de plus de 15 ans se déclarant musulmans. Cette proportion dépasse 10 % chez les moins de 25 ans, ce qui montre que, si cette religion est encore très minoritaire, elle connaît un réel rajeunissement de ses fidèles. À titre de comparaison, dans l'ensemble de la population, les trois quarts des plus de 75 ans se disent chrétiens, contre 30 % chez les moins de 30 ans.
Le nombre de musulmans est donc moins important que les « chiffres fantaisistes » régulièrement avancés, souligne Hakim El Karoui. Cet écart s'explique notamment par le fait que n'ont été comptabilisés que ceux qui se revendiquent de foi musulmane, et non tous ceux issus de familles musulmanes.
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La population se définissant comme musulmane est également marquée par une surreprésentation des milieux populaires et éloignés de l'emploi.
La consommation de nourriture halal est l'une des pratiques les plus partagées chez les musulmans de France (70 % achètent « toujours » de la viande halal), alors que la question du port du voile est plus clivante : 65 % sont favorables au port du voile (24 % à celui du niqab), mais seuls 37 % considèrent que les jeunes filles devraient pouvoir le porter en milieu scolaire.
2/ Quels sont les profils décrits ?
Le rapport regroupe les musulmans de France en trois catégories, des plus sécularisés aux plus en rupture avec la société française.
Le premier groupe, représentant 46 % des musulmans présents en France, rassemble une population qui se fond dans le système de valeurs de la France contemporaine sans pour autant renier sa religion. Ils mangent halal et ont souvent une pratique religieuse supérieure à la moyenne nationale.
Le second groupe (25 % du total) est plus composite. S'il est marqué par une forte revendication de la religion (la plupart souhaitent exprimer leur appartenance religieuse au travail et dans l'espace public), ses membres rejettent le niqab et acceptent la laïcité. Mais une forte minorité de ce groupe critique l'interdiction de la polygamie en France.
Enfin, une troisième catégorie, qui regroupe 28 % des musulmans de France, est décrite comme « plus problématique », réunissant des personnes ayant adopté « un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République. » Jeunes et peu qualifiés, ils voient dans l'islam un moyen de « s'affirmer en marge de la société française ».
Une typologique jugée « intéressante » par Bernard Godard, ancien membre du bureau des cultes au ministère de l'intérieur et auteur de La question musulmane en France (Fayard, 2015). « Elle nuance la vision binaire souvent mise en avant, explique-t-il. Cela prouve qu'il existe une zone intermédiaire de gens modernes, intégrés, tout en ayant des revendications excessives ou pas tout à fait acceptables. »
Le premier groupe, plus éloigné de la religion, est très peu représenté chez les jeunes générations alors que le troisième, plus rigoriste religieusement, regroupe la moitié des plus jeunes.
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3/ Que propose le rapport ?
« L'islam de France doit devenir français », affirme le rapport qui souligne le paradoxe entre la composition des musulmans de France, dont les trois quarts ont la nationalité française, et le fait que la majorité des personnes qui le gèrent sont étroitement liées aux États d'origine. Pour accomplir cette mue, Hakim El Karoui milite pour la création de la Fondation pour l'islam de France annoncée au mois d'août par Bernard Cazeneuve.
Il préconise également l'élection d'un grand imam de France, qui devra entre autres être « de nationalité française, diplômé de théologie, imam d'une mosquée ». Autre proposition, celle d'étendre le concordat en vigueur en Alsace-Moselle à l'islam. Une idée qui revient régulièrement mais dont la faisabilité pose de sérieux problèmes constitutionnels.
Clémence Houdaille
(1) Ce rapport s'appuie sur un sondage effectué par l'Ifop auprès de 1 029 personnes de confession (874) ou de culture (155, ayant un parent au moins musulman mais ne se disant pas musulman) musulmane, elles-mêmes extraites d'un échantillon de 15 459 personnes âgées de 15 ans et plus représentatif de la population française. L'enquête a été réalisée du 13 avril au 23 mai 2016.
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