mardi 24 mai 2016

Rencontre au sommet entre le pape et l'imam d'Al-Azhar : pourquoi François devrait tout faire pour sortir le dialogue islamo-chrétien du sens unique

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    Rencontre au sommet entre le pape et l'imam d'Al-Azhar : pourquoi François devrait tout faire pour sortir le dialogue islamo-chrétien du sens unique dans lequel il est enfermé (mais le souhaite-t-il...?)

    Alors que le pape François reçoit ce lundi au Vatican l'imam de l'université d'Al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite dans le monde, la politique de la main tendue envers l'islam n'est pas sans danger, y compris pour les chrétiens eux-mêmes.


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Atlantico : Ce lundi, le pape François reçoit au Vatican l'imam de la mosquée Al-Azhar du Caire, la plus haute autorité de l'islam sunnite dans le monde. Quel est l'objectif affiché de cette rencontre historique entre les deux autorités et que peut-on en attendre ?

Jean-Baptiste Noé : Les relations entre le Vatican et Al-Azhar ont été rompues en janvier 2011. En effet, le 31 décembre 2010, un attentat dans une église copte avait causé la mort d’une trentaine de chrétiens. Benoît XVI avait vivement réagi à cet attentat et demandé aux autorités égyptiennes de prendre des mesures pour éviter que cela ne se reproduise. Al-Azar avait considéré cette réaction comme une offense à l’islam et avait dès lors cessé tout dialogue avec le Vatican. Cette rencontre est donc un moyen de renouer les contacts officiels et de retisser les liens du dialogue après cinq ans d’interruption.
Sur le fond, rien de nouveau ne sortira de cette rencontre. Il ne faut pas s’attendre à des transformations profondes. Les choses se font petit à petit. Cela tient aussi à la structure même de l’islam, qui est très divisé. Chaque autorité parle pour elle-même et non pas au nom de l’ensemble des musulmans. Mais pour les relations entre le Saint-Siège et l’Égypte, c’est une très bonne chose.
Alexandre del Valle : Premièrement, rappelons que cette rencontre intervient après une période d'interruption et une grave crise entre le Vatican et Al-Azhar à la suite des propos soi-disant "anti-islam" de l'ex-pape Benoît XVI qui avait réagi à un attentat qui avait fait 21 morts dans une église copte d’Alexandrie le 31 décembre 2010. La rencontre avec l'imam Ahmed Al-Tayeb au Vatican, le 23 mai, qui comprendra un tête-à-tête entre lui et le pape François, puis une rencontre avec une délégation égyptienne, est donc à replacer dans le contexte d'une volonté d'apaisement dans le cadre d'une lutte globale du Caire contre les Frères musulmans et le terrorisme dans l'Egypte du Maréchal-président Al-Sissi, très bien vu d'ailleurs par les Chrétiens égyptiens et considéré comme leur protecteur.
Rappelons également qu'à la mi-février, le Secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Mgr Angel Ayuso Guixot, s'était déjà rendu au Caire afin de préparer cette rencontre avec le nonce apostolique Mgr Bruno Musaro et aborder les modalités de cette rencontre qui a longtemps été compliquée par les questions protocolaires. De son côté, l'Université Al-Azhar avait souligné "l'importance d'une réunion bilatérale pour relancer le dialogue" suspendu à cause des propos de l'ancien pape Benoît XVI jugés "islamophobes" après l'attentat perpétré contre des chrétiens égyptiens le 31 décembre 2010 et qui avait fait 21 morts dans une église copte d'Alexandrie. Benoît XVI n'avait fait que dénoncer les "discriminations, abus et l'intolérance religieuse" dont sont victimes les chrétiens d'Egypte, et il appelait les pouvoirs publics égyptiens à mieux assurer leur protection, sachant que les meurtriers de chrétiens en Egypte ont longtemps bénéficié de complicités dans les forces publiques et sont souvent impunis. Plutôt que de se remettre en question et d'améliorer le sort des 10 millions de chrétiens égyptiens persécutés, le pouvoir égyptien d'alors avait riposté par une stratégie offensive en niant cette réalité et en accusant la papauté d'avoir "injurié" les autorités égyptiennes, lesquelles avaient d'ailleurs très violemment critiqué les propos soi-disant "islamophobes" de Benoît XVI lors de son discours de Ratisbonne de 2006 (qui dénonçait le divorce entre foi et raison dans l'islam orthodoxe sunnite et la violence au nom de Dieu). Déjà, le 3 décembre 2014, avait été organisée une grande réunion œcuménique au Caire à Al-Azhar entre religieux chiites, sunnites et chrétiens visant à dénoncer "l'extrémisme et le terrorisme". Ensuite, n'oublions pas qu'en Egypte, le Grand Imam est un fonctionnaire égyptien, porte-parole des autorités présidentielles. Or, Abdel Fatah Al-Sissi est en guerre avec les islamistes depuis 2013, notamment les Frères musulmans mais aussi les terroristes en Libye ou dans le Sud de l'Egypte.
De son coté, le Pape essaie d'améliorer l'entente entre musulmans et chrétiens et il semble bien moins attaché à parler des "choses qui fâchent" que son prédécesseur qui faisait primer la Vérité sur la diplomatie. François a certes condamné la violence terroriste, mais il n'a pas osé aborder la théologie musulmane sunnite anti-chrétienne comme Benoît XVI. Par ailleurs, François essaie depuis son arrivée de se rapprocher des instances musulmanes les plus raisonnables dans un souci de protection des chrétiens d'Orient, qu'il estime être les premières victimes en cas de mauvaise entente entre le monde musulman et la chrétienté. Il croit peut être sincèrement que son attitude ouverte calmera la haine antichrétienne en terre d'islam, mais rien n'est moins sûr hélas. La rencontre du 23 mai sera donc, du point de vue du Vatican, une rencontre dédiée à la lutte commune contre la violence religieuse, mais aussi à la défense des minorités menacées par l'islamisme radical. De son côté, l'imam d'Al-Azhar s'appuie sur un accord de 1989 conclu entre Al-Azhar et le Saint-Siège, base de la relance du dialogue, pour asseoir lui aussi son rayonnement international.
Hélas, je ne pense pas que l'on puisse attendre grand chose de cette rencontre très diplomatico-politique, puisque les islamistes qui s'en prennent aux chrétiens en général – et aux catholiques en particulier – sont eux-même en guerre contre Abdel Fatah Al-Sissi et que, mis à part son imam aux ordres du président égyptien, Al-Azhar demeure un réservoir d'orthodoxie sunnite obscurantiste qui est très loin d'avoir entamé la "réforme" radicale de la religion qu'a appelé de ses vœux le courageux al-Sissi, bien incapable de faire bouger les lignes théologiques à lui seul. D'une certaine manière, j'ai même bien peur que la rencontre entre l'imam et le pape - pas du tout souhaitée par la plupart des juristes-théologiens d'Al-Azhar et dénoncée par les islamistes - renforce la haine des islamistes envers les chrétiens et les autorités égyptiennes accusées de "compromission" avec les "forces croisées", sachant qu'Al-Sissi a fait emprisonner et tuer de nombreux militants des Frères musulmans en guerre contre lui et ses alliés "mécréants" ou "apostats".

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