dimanche 22 novembre 2015

Quels risques le président de la République prend-il à passer sous silence l'autre aspect du conflit


http://www.atlantico.fr/decryptage/islamisme-que-cache-refus-obstine-francois-hollande-prononcer-mot-vincent-tournier-2449812.html

Atlantico :  Quels risques le président de la République prend-il à surinvestir la menace extérieure, et à passer sous silence l'autre aspect du conflit, qui se trouve en France même ?

Vincent Tournier : Cette omission n’invite pas à l’optimisme, pour autant que ce terme puisse avoir un sens dans le contexte actuel.
On a effectivement le sentiment de rejouer un scénario déjà rodé,qui écarte les questions qui fâchent ou qui gênent. C’est déjà ce qui s’est passé après les attaques contre Charlie Hebdo et l’hypercasher : on pouvait penser que, en raison du traumatisme, les problèmes de fond allaient commencer à être abordés, mais l’espoir est vite retombé.Les tueries du 13 novembre, notre « vendredi sanglant », pouvaient laisser augurer qu’un changement radical allait se produire, mais le discours de François Hollande est une douche froide. On continue de vivre avecla même illusion, à savoir que la grande majorité des musulmans n’a rien à voir avec le fondamentalisme, que le problème ne concerne qu’une poignée de fous furieux qui dénaturent le message de l’islam, bref que le problème se résume à la lutte anti-terroriste.
Cette manière d’aborder les choses, que l’on peut soupçonner d’électoralisme,risque de conduire à des désillusions et à de nouveaux drames.A la décharge du gouvernement, il faut dire aussi que le sujet est devenu très complexe parce que l’islam de France dépend en grande de pays étrangers avec lesquels la France doit négocier, y compris dans le but de lutter contre le terrorisme.
Il n’en reste pas moins qu’il est désormais nécessaire de rompre avec la fiction selon laquelle le radicalisme violent serait une création ex-nihilo, une sorte de génération spontanée surgissant de nulle part. La réalité est plus complexe. Evidemment, beaucoup de musulmans sont parfaitement intégrés, à commencer par ceux qui servent sous les drapeaux français, et qui sont même plus patriotes que beaucoup de non-musulmans. Mais entre ces musulmans intégrés et les djihadistes violents, il existe toute une gamme de situations très différentes. Les radicaux prospèrent sur un terreau favorable ; ils sont le produit d’une certaine culture, d’une certaine ambiance qui donne un sens à leur engagement, voire les pousse à l’action. Donc, il serait plus juste de voir les choses sous la forme de cercles concentriques : au milieu, les islamistes les plus dangereux, puis les militants radicaux, puis ceux qui les soutiennent, puis encore ceux qui partagent des valeurs communes sans approuver les méthodes, et ainsi de suite jusqu’aux musulmans les plus intégrés et les plus laïcs. Le problème est que la dynamique qui traverseactuellement le monde musulman ne joue pas en faveur d’un détachement du religieux, bien au contraire, ce qui tend à nourrir les processus de radicalisation.
Or, c’est là qu’est toutle nerf du problème. Il s’agit de casser cette dynamique de radicalisation, dont la manifestation la plus visible est la diffusion des normes les plus rigides de l’islam. En somme, il faut lutter à la fois contre l’islamisme et contre l’islamisation, ce qui suppose notamment de reprendre toute la question de la laïcité. Le chantier est ici immense. Mais le fait que le président Hollande préfère esquiver le sujet n’est pas de bon augure. Cela dit, d’autres pays ont également un long travail qui les attend, par exemple la Belgique, devenue le foyer du djihadisme européen.

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