Dans la Mosquée Bleue d'Istanbul, le pape François a prié. Il n'y a pas à tourner autour du mot. Certains ont préféré s'en tenir à un « recueillement ». Le porte-parole du Vatican, le P. Lombardi, a insisté pour qualifier le geste d'une « adoration silencieuse » – qui n'en demeure pas moins une forme de prière. A sa conférence de presse dans le vol retour de Turquie, le pape n'y est pas allé par quatre chemins en racontant sa visite la veille de la mosquée conduite par le grand mufti d'Istanbul : « A ce moment j'ai senti le besoin de prier. Et j'ai dit : 'Nous prions un peu ?' Il a dit 'Oui, oui'. Et j'ai prié : pour la Turquie, pour la paix, pour le mufti… pour tous… pour moi, qui en ai besoin… J'ai prié, vraiment… Et j'ai surtout prié pour la paix. J'ai dit : 'Seigneur, finissons-en avec la guerre…'. Ainsi, cela a été un moment de prière sincère. »
L'image du pape priant à la mosquée a trop vite été éclipsée dans les médias. D'une part, parce que, rappelant celle de Benoît XVI au même lieu huit ans plus tôt, elle prenait un air de déjà vu. D'autre part, parce que son inclination pour demander au patriarche de Constantinople sa bénédiction, plus tard dans la journée, était tout aussi spectaculaire et, de surcroît, inédite.
Voir le chef de l'Eglise catholique prier dans une mosquée serait devenu presque banal. Rappeler que le chrétien peut prier où il veut, dans la rue, dans le métro, en salle d'attente, revient à rendre trop anodin le lieu choisi. Une façon de refuser de voir la mosquée. Le pape François a prié là où prient d'ordinaire les musulmans. Sa visite à la Mosquée Bleue a d'ailleurs été inversée, au dernier moment, avec celle voisine à Sainte-Sophie précisément pour ne pas tomber en pleine heure de prière et perturber les fidèles.
Le pape n'a pas pour autant prié dans son coin mais à son initiative, en public, aux côtés et en même temps que le grand mufti – plus de trois minutes -. Il a prié en silence, les mains jointes, les yeux fermés, sans autre manifestation, par respect à la fois du lieu et de qui il est.
Toujours en respect du lieu, il s'est au préalable déchaussé et, au moment de prier, il était tourné vers La Mecque. Comme le relève Omar Abboud dans l'Osservatore Romano – soit son proche ami musulman dans le quotidien du Vatican -, « à la Mosquée Bleue, pour prier, (le pape) a regardé dans la même direction que celle vers laquelle un quart de la population mondiale tourne le visage cinq fois par jour ». « Regarder La Mecque veut dire regarder les musulmans directement dans les yeux », poursuit Omar Abboud – nonobstant le fait que le pape priait les yeux fermés : « Je suis certain que la majorité de la population de l'Islam est capable d'échanger ce regard transformé en dialogue et fraternité ».
C'est le défi lancé à l'Islam par le pape François, qui durant cette année 2014 a visité pas moins de quatre pays à large majorité musulmane : Jordanie, Palestine, Albanie et Turquie. A la veille de sa visite à la Mosquée Bleue, il a énuméré ce que chrétiens et musulmans partagent « l'adoration du Dieu miséricordieux, la référence au patriarche Abraham, la prière, l'aumône, le jeûne… (..) vécus selon nos propres traditions (..) vécus d'une manière sincère ».
Au-delà de la fugacité d'une image de presse, le pape François paraît avoir vécu ainsi sa prière à la Mosquée Bleue. Une prière qui ne vise en rien à nier les différences entre chrétiens et musulmans mais à les dépassionner et à les dépasser. Pour son voyage en Albanie, des musulmans à Tirana avaient prié pour lui. A quand la visite en retour du grand mufti d'Istanbul dans la basilique Saint-Pierre ?
Envoyé de mon Ipad
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenu