lundi 22 décembre 2014

Ce que Daesh nous aura appris en 2014 | Patricia Lalonde

Ce que Daesh nous aura appris en 2014 | Patricia Lalonde
22-12-2014-Ce que Daesh nous aura appris en 2014

En cette fin d'année, il est difficile de passer Noël sans avoir une pensée émue pour les Chrétiens d'Orient, et, plus généralement, pour toutes ces femmes, ces enfants et ces hommes musulmans sunnites ou chiites, chrétiens, yézidies, qui souffrent de la barbarie de Daesh. Pour ces femmes et enfants enlevés par Boko Haram et qui vont servir d'esclaves sexuels . Ce monstre qu'est Daesh, dont l'Occident est en partie responsable nous donne trois leçons importantes que nous devrions retenir pour 2015 afin de mieux combattre le terrorisme international.

1. Un groupe comme Daesh a compris comment fonctionnent les médias modernes, et les a utilisé en sa faveur. Il faudrait donc travailler à lui retirer, autant que faire se peut, cet avantage.

Ce que l'Etat soit-disant Islamique a compris, c'est que dans un monde avec des chaînes d'information continue, ce qui marque, ce ne sont pas les grandes idées. Ce sont les actes particulièrement choquants. Al Qaïda leur a donné la meilleure preuve avec le 11 septembre 2001 : les images diffusées en boucle montrant la destruction des tours du World Trade Center a permis à un groupe terroriste nuisible de devenir l'ennemi numéro 1, représentant d'un seul coup un milieu djihadiste qui n'adhérait pas totalement, loin de là, à la tactique de Ben Laden. Les égorgements d'Occidentaux organisés par Daesh, c'est un 11 septembre du pauvre : violent, horrible, détestable... mais qui réussit son objectif, mettre Daesh en première page. Ce résultat permet à ce groupe terroriste d'atteindre trois objectifs: affoler les Occidentaux, choqués par une telle violence, donner encore plus de poids à leur campagne de terreur en interne, et leur faire de la publicité. En faisant un tel battage médiatique autour de Daesh de cette façon, on en vient à présenter l'EI comme l'ennemi formidable de puissance qu'il n'est pas. Et on déchaîne, par la même occasion, les vieux démons islamophobes, demandant sans cesse aux musulmans de se démarquer de ce groupe criminel. Quiconque connaît des musulmans, en Europe, au Moyen Orient, en Asie, sait que bien entendu, l'islam n'a rien à voir avec ces criminels. Les musulmans se sont largement faits entendre sur ce point. Mais le fait est que certains soufflent sur les braises xénophobes contre les populations musulmanes en Occident. Cela prend une ampleur dangereuse et surtout, cela soutient l'idéologie de Daesh, qui était déjà celle d'Al Qaïda : la logique du conflit de civilisations. Il serait essentiel, à l'avenir, de ne plus se laisser prendre au jeu malsain des djihadistes. Les images choc ne doivent surtout pas prendre le pas sur l'information. Le travail journalistique de qualité, qui ne manque pas (voir par exemple le travail de grande qualité faite pour dénoncer l'esclavage imposée aux femmes yézidies), montre bien la réalité des djihadistes, leur lâcheté, leur inhumanité. C'est ce travail qui mérite la première page. Et l'analyse sérieuse, de personnes compétentes, connaissant l'islam et le monde musulman, devrait avoir bien plus d'échos que les paroles de polémistes qui soufflent sur les braises d'une guerre civile fantasmée.

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2. Daesh a su exploiter le jeu géopolitique classique des grandes puissances, notamment occidentales.

On ne peut pas le nier : si Daesh a pu devenir ce qu'il est devenu aujourd'hui, c'est à cause de l'erreur que fut la guerre en Irak menée en 2003, suivie d'une autre erreur, occidentale en général, celle du dossier syrien. Dans les deux cas, c'est la géopolitique classique qui s'est imposée, une logique d'opposition d'Etat à Etat, le plus fort à l'international cherchant à s'imposer face à un Etat rétif à cette influence extérieure au niveau régional. Dans le cas irakien, cela a entraîné une destruction de l'Etat qui ne s'en est jamais totalement remis. Dans le cas syrien, cela a signifié l'apparition, comme au temps de la Guerre froide, d'une guerre par procuration. L'Arabie Saoudite, le Qatar ont soutenu la rébellion sunnite au nom de leur opposition à l'Iran et au rejet du chiisme par le wahhabisme. Une partie de l'opposition virulente des Occidentaux contre le regime de Bachar El Assad peut également s'expliquer par leur obsession face à l'Iran. Daesh, au début un groupe djihadiste comme un autre, a su utiliser cette guerre par procuration en sa faveur, en tirer des fonds, des armes, et, au nez et à la barbe des Occidentaux, un territoire indépendant entre Syrie et Irak... Cette façon de faire des relations internationales pouvait s'expliquer du temps de la Guerre froide. Aujourd'hui, elle est destructrice et dangereuse, un Etat failli devenant forcément une source de problèmes, plus tard, pour la communauté internationale. Cela a été le cas de l'Afghanistan, ça l'est maintenant avec la Syrie et l'Irak...

3. Daesh a montré qu'il était capable de réaliser le rêve djihadiste de créer un Etat comme c'est le cas en Syrie et en Irak, faisant des émules chez de nombreux groupes terroristes qui ont fait allégeance à Daesh et travaillent à constituer leur propre « Etat Islamique', comme Boko Haram au Nigeria, certains groupes d'Aqmi dans le Sahel,et évidemment en Afghanistan et au Pakistan.

Cela devrait faire peur à toute la communauté internationale. La montée en puissance spectaculaire de Daesh est une leçon en soi : Daesh, c'est Al Qaïda, avec en plus un territoire autonome, des ressources financières considérables, et une capacité concrète de bouleverser le Moyen Orient pour longtemps. Le risque est réel, important, il devrait devenir une obsession pour notre diplomatie. Mais il y a toujours le risque qu'en 2015 comme en 2014, les Américains se heurtent à nouveau à la Russie, ou décident de s'opposer à la Chine pour des jeux géopolitiques ayant leur logique propre... Une logique qui ne peut pas être celle de la France ou de l'Union Européenne. Les Européens doivent se rappeler que le Moyen Orient, c'est leur voisinage immédiat. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas être consistant dans la politique à avoir face aux problèmes venant de cette partie du monde... Pour le meilleur et pour le pire, le destin des deux régions sont liés. Il serait grand temps de s'adapter à cette réalité. Une réalité qui fait de l'Iran un allié de fait contre Daesh, et qui devrait nous amener, également, à une politique plus équilibrée et raisonnable dans notre rapport à la Russie et à la Chine.

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