vendredi 11 juillet 2014

LIBAN • Gare à toi si tu manges en plein jour  | Courrier international

LIBAN • Gare à toi si tu manges en plein jour  | Courrier international

LIBAN • Gare à toi si tu manges en plein jour 

Le mufti de la République libanaise Mohamed Kabbani fait l'objet, avec son fils, de nombreux soupçons de corruption et d'un tel rejet de la part d'une grande partie des sunnites libanais qu'il a été chassé de plusieurs mosquées à Beyrouth.

On dit que c'est ce même homme qui a prié les maires du Liban de suivre l'exemple de leur confrère de Tripoli [au nord de Beyrouth], Nader Ghazal, qui s'est fendu à l'adresse de ses administrés de l'appel  suivant :

"Le ramadan est un mois de soumission, d'éducation et d'élévation des âmes. Aussi, la municipalité de Tripoli demande à tous les résidents et plus particulièrement aux propriétaires de restaurants et de cafés de respecter la sacralité du ramadan ainsi que la sensibilité des musulmans jeûneurs, en s'abstenant de montrer au grand jour qu'on mange. Il attire également l'attention sur la nécessité de se parer des bonnes mœurs auxquelles appellent tous les monothéismes."

Cet appel est sans précédent. Il est contraire aux lois et à la Constitution libanaise, qui garantissent la liberté religieuse, la liberté de choisir son mode de vie, la liberté d'expression, le pluralisme et le droit à la différence.

Cet appel viole la neutralité religieuse

Le maire de Tripoli outrepasse son rôle et viole la tradition de neutralité en faisant usage d'un vocabulaire tel que "sacralité du ramadan" et "bonnes mœurs". Et cela dans la ville multiconfessionnelle de Tripoli, la deuxième ville du Liban, où cohabitent 17 groupes confessionnels, sans oublier la présence de laïcs, d'agnostiques et d'athées.

Tous sont égaux en droits et libres de vivre comme bon leur semble, sans être embêtés, réprimés, poursuivis, empêchés ou contraints de faire ceci ou cela.

Cet homme, fonctionnaire civil, viole le principe fondamental de la Constitution sur lequel repose toute l'existence du Liban. Il s'érige en tuteur des habitants, s'arroge le droit de leur demander obéissance et croit devoir leur apprendre les bonnes mœurs. Ou plutôt la bigoterie, l'hypocrisie, le mensonge et la cachotterie.

Puisqu'il est immoral de montrer au grand jour [qu'on mange durant le ramadan], il faudrait alors être hypocrite. A moins qu'il ne s'agisse d'imposer le jeûne de force. Dans les deux cas, cela n'a rien de moral.

Un terrorisme moral

Etant donné que l'enfer est pavé de bonnes intentions, il faut supposer que les intentions du maire de Tripoli et du mufti de la République sont bonnes. Et étant donné qu'il suffit d'un rien pour engendrer un monstre, ce malheureux décret a aussitôt donné des idées à des extrémistes qui ont lancé des grenades sur des cafés servant à boire pendant la journée, faisant plusieurs blessés depuis début juillet.

Car le discours sur la nécessité de respecter la sensibilité des musulmans est un terrorisme moral qui ne tarde pas à se traduire en terrorisme bien réel. Nous en avons maintes fois fait l'expérience.

Et les bonnes mœurs du maire de Tripoli ne dépareillent pas avec les récents appels d'un groupe extrémiste sunnite – les Brigades Ahrar Al-Sunna – à "épurer la plaine de la Bekaa, et plus généralement le Liban, des églises chrétiennes" et à "empêcher les cloches de sonner". Peut-être pour Monsieur le maire aussi, les cloches sont incompatibles avec "la sensibilité des musulmans".



Envoyé de mon Ipad 

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